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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 27.djvu/662

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des routes départementales est presque aussi considérable que celui des routes nationales ; elles sont moins fréquentées, par compensation elles ont plus de développement. Quant aux chemins vicinaux, dont la longueur totale est dix fois plus grande, il n’est pas exagéré de leur attribuer un roulage double. Or, comme les ingénieurs prétendent avoir constaté que l’usure des chaussées croît à proportion du nombre des voitures qui y passent, la consommation annuelle s’élèverait à près de sept millions de mètres cubes, si les matériaux étaient partout d’aussi bonne qualité que sur les routes nationales, ce qui est loin d’être exact. Tenons-nous-en à ce chiffre approximatif, pour ne rien exagérer. Imagine-t-on ce que cela représente ? C’est à peu près le volume d’une montagne qui aurait deux kilomètres et demi de tour et 400 mètres de haut. Voilà ce que, année moyenne, les roues des voitures broient et réduisent en boue ou en poussière sur les routes et chemins vicinaux de notre territoire.

Ces chiffres, quelque gros qu’ils soient, n’auraient rien d’inquiétant s’il y avait en tout pays des matériaux de bonne qualité. Par malheur, il n’en est pas ainsi. Les terrains primitifs fournissent des granits, des gneiss, des porphyres qui sont excellens ; mais les sols calcaires n’offrent, à part de rares exceptions, que des pierres incapables de résister à la gelée et à l’écrasement. D’ailleurs le caillou brut a si peu de valeur sous une grosse masse qu’il est impossible de le transporter à cent kilomètres de distance seulement, si ce n’est par bateau. De là une difficulté croissante d’entretenir les routes à mesure que s’épuisent les carrières les plus proches. N’est-il pas naturel dès lors que l’on en vienne à la matière résistante par excellence, au fer ? Deux lignes de rails placés au milieu de la chaussée ou mieux encore sur l’un des accotemens recevront des voitures spéciales qui chargeront les marchandises lourdes ou qui transporteront les voyageurs à grande vitesse, sans que la route en éprouve de fatigue. Ce n’est pas un railway, l’usage a consacré un nom nouveau : c’est un tramway.

Il semble que le tramway ait été d’abord accueilli chez nous par une excessive défiance. Il était bien arrivé dès le début des chemins de fer que l’on eût autorisé la pose de rails le long des rues entre les gares et les quais d’une ville maritime. Hormis ces embranchemens de longueur réduite, dont le mouvement pouvait être restreint à certaines heures du jour, on se disait que la voie publique appartient à tout le monde, sans que personne y ait droit à un privilège, et qu’il est contraire à nos traditions administratives de permettre l’installation d’une entreprise privée sur le domaine public. Cependant une loi de 1833 avait autorisé déjà l’établissement d’un chemin de fer sur une route départementale