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chef du pouvoir exécutif, président du conseil. » — La réponse de M. Pouyer-Quertier ne se fit pas attendre. Il a communiqué la lettre du gouverneur au conseil et au président ; aucune décision n’a été prise, il en reparlera ; puis il ajoute : — « Veuillez bien donner des instructions précises pour que des coupures soient mises à la disposition des Allemands et aussi quelque numéraire, pour le paiement de leurs troupes. » Ainsi à cette heure la Banque se trouvait dans la situation de fournir de l’argent pour l’entretien des troupes allemandes, — d’avancer des millions au gouvernement légal afin de lui permettre de réoccuper Paris un peu rapidement abandonné, — de subvenir, dans une mesure, aux besoins de l’armée de la révolte afin que celle-ci ne se payât pas de ses propres mains en mettant la ville à sac. Cela méritait peut-être que l’on sollicitât pour elle l’initiative diplomatique que M. Rouland réclamait et dont il ne fut même plus question au conseil des ministres.

Pendant que la Banque de France, représentée à Versailles par son chef, ne ménageait point ses sacrifices, la Banque de Paris voyait se terminer à son détriment une négociation qu’elle avait traînée en longueur avec une obstination qui ne fut point du goût de la commune. L’insurrection du 18 mars était exclusivement communale, on le sait, elle avait eu pour but de donner à Paris un gouvernement municipal, rien de plus ; on l’avait répété sur tous les tons ; bien incrédule qui en eût douté, encore plus sot qui y aurait ajouté foi. La commune a voulu être diplomate, militaire, législative, avoir tous les pouvoirs et les exercer tous, même ceux qui, en chaque pays, sont exclusivement du ressort de l’état. Pendant ces deux mois de règne épileptique, elle s’est emparée de tous les droits, excepté du droit de grâce, dont elle ignorait l’existence. Elle voulait, usurpant le droit régalien par excellence, faire frapper monnaie, de même qu’elle voulait créer une décoration dont le modèle avait été demandé à Raoul Rigault. Le 10 avril, tout le personnel de l’Hôtel des Monnaies s’était retiré ; la commune s’était saisie de cette grande administration et l’avait abandonnée à Camélinat, ouvrier bijoutier-fondeur affilié depuis longtemps à l’Internationale. Il faut plus que des coins et des balanciers pour battre monnaie, il faut du métal, et la commune n’en avait guère. Malgré les vases sacrés volés dans les églises, les presses du quai Conti risquaient fort de chômer, lorsque l’on se souvint qu’il y avait des lingots à la Banque ; on les lui demanda, et dès le 15 avril Charles Beslay pria M. Mignot, le caissier principal, d’envoyer des « matières » au monnayage. On fit à Charles Beslay des objections qu’il comprit ; il engagea M. Mignot à aller voir Camélinat. Le 17 avril, à titre courtois, M. Mignot fit la visite que Beslay, désireux d’éviter tout conflit, avait conseillée, et il se promit de ne la point renouveler.