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par lui et qui contient un passage que l’on doit citer : « Relations extérieures à guerre. Paris, le 11 mai 1871. — La Banque de France, position stratégique intérieure de premier ordre, est toujours occupée par le 12e bataillon (bataillon formé par les employés) depuis le 18 mars ; elle recèle un dépôt clandestin d’armes à tir rapide, échangées là contre des fusils à piston par des réfractaires menacés de perquisition. On peut dire qu’elle constitue le véritable quartier-général de la réaction à l’intérieur et le centre de réunion des innombrables agens versaillais qui pullulent dans Paris. » C’était une dénonciation formelle et calomnieuse, — en ce sens que la Banque ne cachait aucun dépôt d’armes et que les agens de Versailles ne s’y réunissaient point.

Ceci importait fort peu aux politiques de crémeries qui barbotaient dans le mensonge comme dans leur élément naturel ; le prétexte était trouvé, c’était là le principal. On résolut d’agir sans retard ; ou savait que Charles Beslay, malade, était depuis quatre jours retenu à son domicile de la rue du Cherche-Midi ; l’occasion semblait favorable, on voulut en profiter. L’expédition fut décidée pour le lendemain et confiée aux soins de Benjamin-Constant Lemoussu, dessinateur, graveur, mécanicien, dont la commune avait fait un commissaire de police aux délégations judiciaires. C’était une sorte de bellâtre, alors âgé de vingt-cinq ans, grand buveur d’absinthe, phraseur prétentieux, rugissant de fureur à la vue d’un prêtre, fort bête du reste et passablement violent. Comme l’on connaissait sa haine burlesque contre a les curés, » c’est lui que, dans plus d’une circonstance, on lâcha contre les églises où l’on voulait découvrir les crimes du catholicisme ; muni d’ordres qu’on lui transmettait ou qu’il se donnait à lui-même, il envahit et ne respecta pas Notre-Dame-de-Lorette, Saint-Germain-l’Auxerrois, la Trinité, Notre-Dame-des-Victoires ; c’était dans ses attributions et dans ses goûts. On s’en fia à son énergie, tout en lui recommandant d’user de prudence au début, de n’effaroucher personne et de se glisser dans la place, c’était à lui de n’en plus sortir lorsqu’une fois il y aurait pénétré.

Le 12 mai, un peu avant dix heures du matin, deux compagnies des Vengeurs de Flourens, sous la conduite du commandant Joseph Greffier, directement venues de la préfecture de police, prirent position sur le trottoir qui fait face à la Banque. Le commandant Bernard, qui ne quittait plus son uniforme depuis le 18 mars, fut immédiatement prévenu. Il alla interroger les capitaines et leur demander dans quel but ils se réunissaient rue de La Vrillière ; les capitaines répondirent que leurs compagnies s’étaient assemblées là en attendant le reste du bataillon, qui devait venir les rejoindre pour être dirigé ensuite sur un autre point. La réponse pouvait paraître