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MYCÈNES ET SES TRÉSORS.


avant l’ère chrétienne. Persée avait pour père Jupiter lui-même, ce qui revient à dire que les souvenirs humains ne remontaient pas au-delà. Plus tard la royauté mycénienne passa aux mains d’une famille asiatique, les Pélopides, dont le chef Pélops avait eu pour fils Atrée, frère de Thyeste et père d’Agamemnon. Avec ce dernier, nous sommes en pleine Iliade. Qu’y a-t-il de vrai dans ces traditions ? Nous ne chercherons pas à le savoir, certain que nous serions de n’y jamais parvenir. Quand on assiste à la formation des légendes qui se créent sous nos yeux, on est amené tout naturellement à révoquer en doute les récits que la tradition seule a perpétués. Il est manifeste que les faits sont promptement travestis dans les bouches des hommes, et souvent défigurés au point de devenir méconnaissables ; mais est-ce à dire qu’il n’y ait pas un grain de vérité dans les traditions de l’âge héroïque des Grecs, et spécialement dans celles qui se rapportent à la guerre de Troie ? Ce serait aller trop loin. Thucydide tenait pour un fait historique l’expédition des Grecs confédérés contre Priam. S’il est difficile au milieu des fables imaginées par les poètes de démêler la part de l’histoire, est-ce un motif pour en nier l’existence ? D’ailleurs les légendes solaires ou lunaires qu’on veut donner pour base aux récits homériques reposent sur des hypothèses bien fragiles, sinon sur des jeux de mots. On avouera qu’il est bien plus difficile de voir dans l’enlèvement d’Hélène une éclipse de lune, parce que le nom grec de la lune a quelque analogie avec celui d’Hélène, que de croire tout simplement à l’existence d’Hélène et au rapt dont elle aurait été victime. La manie du mythe a tout au moins le danger de remplacer l’improbable par l’invraisemblable. Et cela au profit de qui ? À coup sûr pas au profit de la vérité… Mieux vaut se reposer doucement sur le mol oreiller du doute. Et qu’importe que ces vieilleries soient mythe ou histoire, puisque Homère les a chantées !

Ce scepticisme facile, M. Schliemann est loin de le partager, et nous devons dire que sa confiance dans Homère et dans les traditions l’a merveilleusement servi. Encouragé par ses succès en Troade, il pensa que Mycènes devait avoir conservé quelque chose des richesses qu’elle avait possédées. On racontait dans l’antiquité que les Pélopides avaient apporté d’Asie d’immenses trésors. Homère qualifie la ville d’Agamemnon d’abondante en or, et Thucydide lui-même, le grave historien de la guerre du Péloponèse, mentionne cette vieille réputation d’opulence. Au fait, Mycènes avait beaucoup de raisons d’être riche. Ses rois n’étaient-ils pas les chefs de la Grèce et ne venaient-ils pas de ces rives du Pactole, dont le nom est resté jusqu’à nos jours le synonyme de richesse ? Enfin une