il semble bizarre d’enterrer les morts sous une place publique. Nous les écartons du bruit des villes, nous aimons pour eux le calme et l’ombre des cyprès dans une paisible nécropole : nous voulons cela pour leur repos, et aussi, quelque peu, pour le nôtre, car le voisinage des morts nous offusque. Mais il n’y avait rien de semblable chez les anciens : le défunt, objet d’un culte, devait reposer auprès des vivans ; le bruit des rues et des places ne semblait pas incompatible avec l’éternel sommeil ; les tombeaux étaient placés d’ordinaire le long des routes les plus fréquentées, et nous savons par les historiens que dans plusieurs villes, notamment à Cyrènes et à Mégare, le fondateur avait été inhumé sous la place publique. Pourquoi n’en aurait-il pas été de même à Mycènes ?
M. Schliemann continua donc avec ardeur. À la fin du mois d’octobre 1876, il s’aperçut qu’une vaste cavité rectangulaire de sept mètres de long sur près de trois mètres de large avait été creusée dans le roc au-dessous de l’endroit d’où la première stèle avait été tirée. C’était un tombeau ; mais en même temps que l’on croyait toucher au but, de nombreux indices donnèrent à penser que des chercheurs avaient déjà passé par là. Le bouleversement du sol était manifeste : les ouvriers enlevèrent des blocs de pierre en désordre qui paraissaient avoir servi à la construction d’un monument funéraire détruit dès l’antiquité. Était-il possible d’attribuer ce bouleversement aux Argiens ? N’était-il pas plutôt à craindre que les tombes n’eussent été fouillées et dévalisées une première fois ? On dit que le découragement régna pendant plusieurs jours dans le camp de M. Schliemann. Mais l’heureux inventeur des trésors de Priam et d’Hélène a l’esprit persistant et opiniâtre de tous les hommes qui découvrent. Il poursuivit son œuvre au risque de ne rencontrer que ce qu’auraient oublié ou dédaigné les premiers profanateurs ; et bien lui prit d’être persévérant, car les craintes ne se réalisèrent pas. — Cependant, la pluie ayant transformé en boue le sol contenu dans le premier tombeau, force fut d’y interrompre les travaux ; mais une seconde excavation analogue fut bientôt reconnue sur un autre point de l’agora, et rien cette fois ne contraria l’exploration. Ici nous passons la parole à M. Schliemann : « À une profondeur de quinze pieds au-dessous de la surface du roc, dit-il, et de vingt-cinq au-dessous du sol tel que je l’avais trouvé, j’arrivai à une couche de cailloux, sous laquelle je découvris trois squelettes éloignés entre eux de trois pieds. Tous les trois avaient la tête tournée à l’est et les pieds à l’occident ; ils étaient séparés du roc par une seconde couche de cailloux sur laquelle ils reposaient. »
Cinq cavités de même nature, c’est-à-dire taillées en partie dans