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de 89, car il n’est pas, quoi qu’on en ait dit, un seul de leurs principes qui n’ait ses racines dans les profondeurs obscures du passé.

Le rôle des états-généraux a été apprécié ici même par une plume autorisée. Il n’est pas sans intérêt de donner pour complément à cette étude une vue générale de l’histoire du parlement de Paris, considéré comme corps politique. Les érudits et les publicistes contemporains l’ont, ce nous semble, beaucoup trop effacé devant les états. Tout en suivant des voies différentes, il a concouru avec eux à la fondation première et lointaine du gouvernement représentatif, et comme la monarchie, dont il faisait partie intégrante, il a donné lieu aux appréciations les plus contradictoires : pour les uns, il n’a été qu’une corporation ambitieuse et turbulente, toujours prête à usurper un pouvoir qui ne lui appartenait pas, il a créé cet esprit d’opposition systématique qu’on appelle aujourd’hui le parlementarisme, et précipité la ruine de la dynastie capétienne ; pour les autres, il a été le soutien des droits de la nation, le seul corps de l’état qui pût contenir les excès du pouvoir royal. Son rôle politique se rattache à cette question, cent fois controversée : la vieille monarchie, étant donnée son organisation et toute la bonne volonté des rois, pouvait-elle conjurer la catastrophe qui l’a engloutie, ou la révolution était-elle un fait inéluctable qui devait résulter de la force des choses ? Une vue générale jetée sur son histoire nous aidera à trouver la réponse.


I.

Le parlement de Paris n’a point d’analogue dans la France moderne, et il suffirait seul à montrer la confusion inextricable qui régnait dans nos anciennes institutions, et qu’un ministre de Louis XVI, le contrôleur-général de Calonne, a lui-même constatée en des termes qui ne laissent aucune place au doute[1]. L’ordonnance de Philippe le Bel, qui l’a constitué en 1302, porte « qu’il siégera chaque année deux fois à Paris, pour juger les causes à la plus grande commodité des sujets. » Il n’était donc à l’origine qu’une simple cour de justice, et cependant il a fini par étendre sa compétence à toutes les affaires du royaume, par réunir sous sa main les attributions que se partagent aujourd’hui les tribunaux de première instance, les cours d’assises, la cour de cassation, les préfectures, les ministères, le conseil d’état, les assemblées législatives. Il n’a pas non plus d’analogue sous l’ancien régime, car il

  1. Voyez le discours prononce à l’ouverture de l’assemblée des notables de 1787. Archives parlementaires, Paris, 1867, et années suiv., t. Ier, p 194 et suiv.