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lourdes, se paient généralement en une fois, et, si elles produisent beaucoup, ce n’est pas sans dommage pour la richesse publique. Nous le démontrerons tout à l’heure. Il est à peu près indifférent à tout le monde de payer 5 ou 6 centimes de plus pour la consommation d’un litre de vin, par suite de l’impôt ; mais il n’est indifférent à personne de débourser tout d’un coup, pour l’enregistrement d’un bail ou d’une quittance, une somme de 200 francs et plus, et je prends les cas où l’impôt est le plus modéré. On aura beau soutenir en théorie que les impôts qui se sentent sont les meilleurs, il n’en est pas moins vrai que, dans la pratique et au point de vue du progrès de la richesse, ceux qui ne se sentent pas valent infiniment mieux. Mais au moins ces impôts sur les actes sont-ils bien fondés et bien légitimes ?

Si l’on ne considère que les besoins de l’état et le droit qu’il a comme souverain d’exercer des prélèvemens sur la fortune publique pour les services qu’il rend, tous les impôts sont légitimes, à la condition d’avoir un caractère général et de peser également sur tout le monde ; mais c’est là une légitimité entendue dans un sens très large, et qui peut n’avoir rien de commun avec l’utilité sociale. Dans le sens le plus étroit du mot et certainement le meilleur, un impôt n’est légitime que s’il est bien en rapport avec le service rendu, et pas trop dommageable à la richesse publique. Cette dernière condition surtout est la plus importante. Cela ne veut pas dire que nous séparions l’idée de justice de celle d’utilité ; les deux sont tellement liées qu’au point de vue social il ne peut y avoir utilité, utilité durable bien entendu, sans qu’il y ait en même temps justice. Du moment qu’un impôt ne nuit pas au progrès de la richesse, on peut être sûr qu’il est juste. C’est à ce point de vue principal que je me propose d’examiner les impôts sur les actes.


I

Prenons d’abord celui du timbre. Cet impôt est établi sur certains actes qui ne peuvent avoir leur pleine efficacité que s’ils sont revêtus de l’empreinte de l’état qu’on appelle timbre. C’est une espèce de laisser-passer que le gouvernement leur accorde moyennant finance. Vous faites une convention avec un particulier, l’état exige d’abord qu’elle soit écrite sur un papier revêtu de cette empreinte, et dont il règle la dimension. Elle ne pourra produire d’effet utile en justice qu’à cette condition ; vous organisez une société financière ou industrielle par actions ou obligations ; les titres, avant de voir le jour, devront être également revêtus du cachet de