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diminuer ses charges, et il croit ne pas engager sa conscience, il sait qu’avec ce qui reste, et qu’il ne peut soustraire, il paiera encore plus qu’il ne doit réellement ; la non-déduction des dettes est donc une incitation à la fraude. On dira que la fraude existerait encore si le fisc agissait autrement ; c’est possible, mais alors le contribuable saurait qu’il engage sa conscience, et le trésor pourrait toujours user des moyens de contrôle dont il dispose. Il n’en use pas lorsqu’il est en présence d’une succession dont le passif est notoirement considérable, et il laisse la fraude s’accomplir, ce qui fait que la plus grande inégalité règne dans la perception du droit. Les gens scrupuleux se soumettent aux exigences du fisc, paient l’impôt sur toute la succession sans en rien distraire, les autres trouvent moyen de ne pas payer plus qu’ils ne doivent, et souvent moins. Voilà à quoi on arrive avec un principe vicieux ; les uns passent à côté, les autres le subissent dans toute sa rigueur.


II

Voyons maintenant un autre droit de mutation excessif également et qui se justifie peut-être encore moins que certaines applications de l’impôt de succession : je veux parler de celui qui est perçu à l’occasion des mutations d’immeubles, à titre onéreux. Ce droit, avec les centimes additionnels qui y sont afférens, est aujourd’hui de 6,60 pour 100, et si on y ajoute les frais accessoires d’actes et les honoraires du notaire, on arrive à faire payer 9 et 10 pour 100 pour toute mutation d’immeubles ; et qui est-ce qui subit ce droit ? — En apparence c’est l’acquéreur, la loi le dit ainsi, mais en réalité c’est le vendeur. Dans la plupart des cas, on vend par nécessité et on n’est pas en mesure de faire la loi à celui qui achète. — D’ailleurs le prix se règle sur le revenu net que donne la propriété, déduction faite des charges, y compris l’impôt, et si ce revenu, d’après les conditions du marché, doit être de 3 ou de 4 pour 100, il faut bien que le vendeur prenne à son compte tout ce qui pourrait le diminuer. Et quel service rend l’état pour exiger un pareil droit de 6,60 pour 100 ? Il se contente de faire transcrire sur ses registres l’acte de mutation ; c’est un service qui pourrait être largement rétribué avec 1/2 ou 1 pour 100 au plus. D’après un tableau dressé par M. Vignes dans son traité des impôts, les droits sur la transmission d’immeubles à titre onéreux ont rapporté, en 1869, 139 millions pour une valeur de 2 milliards 400 millions, tandis que les transmissions au même titre de valeurs mobilières n’ont donné que 24 millions pour une valeur de plus de 10