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Le gouvernement ayant imposé un droit d’entrée sur toutes les villes, le parlement de Besançon fit défense aux agens du fisc d’en opérer le recouvrement sous peine de mort. Des lettres de cachet décrétant l’exil ou la prison furent décernées contre trente-deux conseillers. La plupart des parlemens du royaume, celui de Paris en tête, prirent leur parti, et le 24 mai 1759 il présentait pour les défendre des remontrances qui étaient comme la préface de la déclaration des droits de l’homme. Tout en protestant encore de son respect pour la personne sacrée du roi, il démentait ce respect par la fierté de ses paroles. Il ne se borne plus, en effet, comme par le passé, à donner des avis sur un fait particulier, à discuter des édite bursaux, à demander l’élargissement des magistrats incarcérés il s’élève des faits particuliers à l’examen des principes, et c’est le pouvoir royal lui-même qu’il met en cause. Il en cherche l’origine en fixe les limites et demande, en invoquant les droits de la nation, en attaquant les irrégularités du pouvoir absolu, si le roi est le seul maître, s’il suffit qu’il parle et qu’il veuille pour être obéi. Louis XV ne s’abuse pas sur la portée de ce langage. Il n’ordonne plus de garder le silence sur ses édita ; il cherche à justifier son pouvoir. « La plénitude et l’universalité de l’autorité existent, dit-il dans sa personne ; il en use comme il le juge convenable, et le droit de la nation n’est point distinct des lois dont il est la source et le principe[1]. »

La question des finances, en soulevant de continuels conflits, ramenait à tout instant la discussion sur les irrégularités du pouvoir absolu. En 1756, sur un budget de 312 millions, Louis XV en avait prélevé 117 au moyen des acquits au comptant[2], sorte de mandats à vue en usage depuis François Ier, qui ne portaient que la signature royale le chiffre de la somme à payer, sans aucune indication sur la nature du crédit, et que les trésoriers généraux brûlaient à la fin de chaque année, en présence du roi. Le parlement de Paris en 1760 protesta dans les termes les plus sévères contre un abus aussi criant, et profita de l’occasion, pour attaquer plus vivement encore l’autorité arbitraire qui présidait aux opérations financières « Il est temps, disait-il, de faire régner l’ordre dans les finances de l’état et de mettre des bornes fixes et invariables au chiffre toujours croissant de dépenses inconnues. » L’opinion

  1. Journal de Barbier, t. VII, p. 131,172.
  2. Les acquits au comptant n’étaient point appliques seulement, comme le disent quelques écrivains, aux dépenses personnelles du roi, mais aussi aux dépenses générales de l’état, et surtout aux affaires étrangères, mais ils n’en constituaient pas moins un danger pour la bonne administration des nuances, puisqu’ils mettaient le budget à l’entière discrétion du prince et que celui-ci pouvait prélever sur le trésor toutes les sommes qu’il lui plaisait de prendre.