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rendit aux cours souveraines leurs anciennes attributions. A dater de ce jour, la situation devint de plus en plus menaçante, et les causes les plus diverses précipitèrent la catastrophe.

Le budget de 1788 se soldait par Un déficit de 54,830,840 livres sur les dépenses ordinaires, et de 105,897,052 livres sur les dépenses extraordinaires. Comment combler ce vide ? Le parlement avait déclaré les impôts illégaux, les contribuables se refusaient à les payer. Les collecteurs n’osaient pas les poursuivre, de peur d’être poursuivis à leur tour. Les prêteurs gardaient leurs capitaux, parce que l’édit n’avait point été vérifié dans les formes ordinaires, et que la volonté seule du prince n’était pas une garantie légale. Louis XVI se montrait aussi opiniâtre à défendre ce qu’il appelait les prérogatives de sa couronne que la nation était ardente à les attaquer. Les anciens rouages administratifs ne marchaient plus ; les nouveaux ne marchaient pas encore. Les assemblées provinciales se heurtaient à chaque pas aux débris de l’ancien régime. Habitués à concentrer toutes les affaires dans leurs mains et à parler en maîtres, parce qu’ils parlaient au nom du roi, les intendans voulaient garder leur autorité deux fois séculaire, et, comme le dit M. de Tocqueville, « la confusion subsistait toujours entre le pouvoir qui doit exécuter et celui qui doit prescrire. » Les mesures d’ordre général étaient entravées par les intérêts contradictoires des castes, par le morcellement du royaume, composé de pays de droit écrit et de droit coutumier, de provinces séparées entre elles par des privilèges qui formaient autant de constitutions particulières, de villes et de fiefs où la condition des personnes et des terres changeait à chaque pas. Les parlemens de Bretagne, de Normandie, de Bourgogne, luttaient à l’envi contre les tendances centralisatrices du gouvernement, et comme ceux de Rennes, de Grenoble, ils s’efforçaient de maintenir les dissonances administratives, juridiques et financières qui se rencontraient d’un ressort à l’autre. Les pays d’états, les assemblées provinciales étaient également impuissantes à sortir de l’impasse où les enfermaient les anciennes institutions. L’assemblée des notables, avait vainement cherché à résoudre les problèmes posés par le contrôleur général de Calonne. Elle s’en remit, comme les parlemens, comme la nation tout entière, aux états-généraux, du soin de trouver une solution. Louis XVI regardait la convocation comme un jeu dangereux ; mais les états, malgré leur longue suspension, faisaient partie intégrante des institutions monarchiques ; il ne pouvait répondre par un refus, et la révolution lui força la main au nom du vieux droit capétien. Les états de 89, transformés en assemblée nationale, déplacèrent la souveraineté. Le parlement n’avait plus rien à faire