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avait imprimé au mouvement un caractère dangereux pour la civilisation, » et un certain nombre de républicains internationaux venus de l’étranger, parmi lesquels il comptait des Belges, des Anglais, des Italiens, des Polonais ; mais le travail de ces termites n’avait selon lui rien d’inquiétant. Que la France fût malade, c’était son affaire ; l’Allemagne était à l’abri de toute contagion. C’est ainsi qu’à sa façon il répétait allègrement le fameux Suave mari magno de Lucrèce :

Non que le mal d’autrui soit un plaisir si doux,
Mais son danger nous plaît quand il est loin de nous.


A la fin de l’année suivante, le 20 décembre 1872, M. de Bismarck, qui reprochait au comte Arnim de souhaiter le rétablissement de la royauté en France, lui écrivait : « Je suis persuadé qu’aucun Français ne s’aviserait jamais de nous aider à reconquérir les bienfaits d’une monarchie, si Dieu faisait peser sur nous les misses d’une anarchie républicaine. C’est une qualité éminemment allemande que de montrer une pareille bienveillance pour le sort d’un voisin hostile. Mais le gouvernement de sa majesté a d’autant moins de raisons de suivre ce penchant peu pratique, que tout observateur attentif a dû remarquer combien les conversions politiques ont été et sont encore nombreuses en Allemagne depuis l’experimentum in corpore vili fait par la commune sous les yeux de l’Europe. Les rouges sont devenus libéraux modérés, les libéraux modérés sont devenus conservateurs, ceux qui faisaient une opposition doctrinaire se sont convertis au sentiment des intérêts de l’état et de leur responsabilité à son égard. La France est pour nous un salutaire épouvantail. » Il ajoutait : « Si la France représentait un second acte du drame interrompu de la commune (chose que je ne désire point par humanité), elle contribuerait à faire sentir davantage aux Allemands les bienfaits du régime sous lequel ils vivent, et augmenterait leur attachement aux institutions monarchiques. » Voilà les leçons que donnent les événemens aux esprits superbes dont les passions troublent la clairvoyance naturelle. Cette France malade, cette France moribonde, que M. de Bismarck abandonnait ironiquement à ses expérimenta in anima vili, se porte assez bien ; la saine et sainte Allemagne crie à tout l’univers qu’elle se sent malade et qu’elle est obligée, pour se sauver, de recourir aux lois d’exception. De quel côté des Vosges fleurit aujourd’hui la propagande communiste ? Lequel des deux peuples met dans la circulation le plus d’idées subversives, le plus de formules malfaisantes ? Puisse la sanglante tragédie qui vient d’être représentée sous les tilleuls de Berlin servir à la France de salutaire épouvantail !

Nous ne serons pas aussi indulgent pour Hœdel et Nobiling que M. de