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de Hanovre, président de la chambre des seigneurs de Prusse et ambassadeur d’Allemagne à Vienne. Dans toutes ces fonctions, en Hanovre surtout, il a su ménager ses ennemis sans déplaire à ses amis. Un Prussien disait : — « Nous attendons pour devenir aimables, nous autres Allemands du nord, de savoir à quoi cela peut bien servir. » Si bon Prussien qu’il soit, le comte de Stolberg a découvert que l’esprit de conciliation et la courtoisie sont des qualités non-seulement aimables, mais utiles. Aussi les libéraux espèrent qu’il ne poussera pas les choses à l’extrême, que conduites par lui, les élections ne seront pas un combat à outrance. Le gouvernement prusso-allemand peut se croire intéressé à affaiblir le parti national-libéral, il ne peut se flatter de le détruire, et il serait probablement fort embarrassé, s’il se trouvait en présence d’une chambre introuvable.

— « La terreur entretenue dans toute l’Allemagne par des arrestations et les nuages de poussière soulevés par la presse des reptiles, lisons-nous dans la récente déclaration de M. Karl Marx, ne sont que des manœuvres électorales pour faire sortir des urnes un Reichstag qui aide M. de Bismarck à résoudre le problème paradoxal dont il s’occupe depuis longtemps, c’est-à-dire à doter l’Allemagne de toutes les ressources financières d’un état moderne, et en même temps à imposer de nouveau à la nation allemande le régime politique détruit par la tempête de 1848. » M. Karl Marx raisonne en émigré, il s’abuse sur le caractère et les visées de M. de Bismarck. On peut croire que le chancelier de l’empire proposera au futur parlement des lois coercitives ou prohibitives à l’égard de la presse, du droit de réunion et d’association ; mais il ne rêve pas des restaurations impossibles. — « M. de Bismarck, nous disait l’un de ses amis, est un conservateur radical et un radical conservateur. » On peut s’en remettre à lui, il ne fera jamais de la politique de talon rouge, il n’ira pas chercher ses inspirations à la cour ni dans les sacristies. Il ne croit pas aux vieux moyens de gouvernement, et il sait surtout qu’après les avoir détruits, il ne faut pas songer à les ressusciter. Les deux hommes qu’il a le plus étudiés et qu’il peut appeler ses maîtres sont le grand Frédéric, qui lui a appris la politique étrangère, et l’empereur Napoléon III, dont il a profondément médité les succès et les revers. M. de Bismarck n’est pas un réactionnaire mystique, M. de Bismarck est un césarien, et César doit trouver moyen de vivre avec le suffrage universel.

Comme M. Marx, les diverses fractions du parti du trône et de la croix s’abandonnent à d’étranges illusions. Les conservateurs prussiens se flattent que l’heure du triomphe a enfin sonné, et leur imagination ne se refuse plus rien. Ils parlent tout haut de restaurer la monarchie de droit divin, tempérée par une chambre des seigneurs et par des consistoires ; ils parlent aussi de ressusciter les jurandes et les