Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/233

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

offensé dans sa dignité parce que M. le ministre de l’intérieur l’a invité le plus honnêtement du monde à coopérer avec des commissions d’arrondissement aux préparatifs de la fête. On aurait dû le charger du cérémonial ! Le conseil municipal est un trop grand personnage pour se confondre avec de simples maires d’arrondissement ou de modestes membres des bureaux de bienfaisance. On lui avait cependant promis l’inauguration d’une statue de la république ; mais cette statue qu’on inaugure aujourd’hui au Trocadéro n’est qu’une fausse image pour le conseil municipal, — elle n’a pas le bonnet phrygien ! Bref les édiles parisiens se sont fait prier, et ce n’est pas sans peine qu’ils ont fini par se décider à voter quelques fonds pour illuminer les édifices municipaux ; encore a-t-il fallu leur assurer qu’on ne négligerait pas de mettre dans les illuminations le chiffre de la république en verres de couleur. C’était essentiel, sans cela la république eût été en péril, et même avec la satisfaction des verres de couleur, M. le préfet de la Seine n’a pas échappé aux objurgations des édiles, qui se sont vengés sur lui de leurs mécomptes, en le traitant comme un simple suppôt de réaction. M. le ministre de l’intérieur, il faut l’avouer, ne s’est pas ému outre mesure de ce petit tapage assez baroque et passablement puéril que le conseil municipal a voulu donner comme prélude aux réjouissances publiques d’aujourd’hui.

Les fêtes, les anniversaires, les centenaires, ne manquent certes pas depuis quelque temps. Il y en a de toutes parts et à tout propos. On semble se jeter avec une sorte d’impatience sur toutes les occasions de pavoiser, d’illuminer ou de prononcer des discours. Il ne faudrait pas cependant en abuser, et le mieux serait d’y mettre une certaine sobriété, de se borner à ceux de ces anniversaires qui peuvent avoir un caractère sérieux, qui ont pour objet de raviver quelque souvenir national ou d’honorer quelque mémoire illustre et incontestée. Celui qu’on célébrait, il y a quelques jours, à Versailles en l’honneur du général Hoche est devenu comme une tradition, et cet anniversaire a du moins le mérite de ne rappeler qu’une généreuse vie prématurément tranchée. Faire du jeune héros l’homme d’un parti, ce serait une altération de l’histoire. Huche a justement la fortune de ne point apparaître comme un homme de parti, de rester un fils de la révolution qui n’a trempé dans aucun excès révolutionnaire, qui a failli au contraire être la victime des fureurs révolutionnaires ; il a le glorieux et touchant privilège de s’être révélé en quelques années brillant capitaine, politique plein d’une modération précoce, et d’avoir disparu presque mystérieusement de la scène en laissant dans l’histoire l’attendrissant souvenir d’une jeunesse trop tôt évanouie. Que serait-il devenu s’il avait vécu ? C’est une question qui se reproduit toujours et à laquelle personne ne peut répondre. C’est dans tous les cas une mémoire pure faite pour rester populaire, pour être aimée et respectée. L’anniversaire de Hoche