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nirs néfastes, en lui créant des étapes d’agitation ; en annonçant d’avance qu’on se résigne à une trêve pendant l’exposition, mais qu’à la fin de l’année, au commencement de l’année prochaine au plus tard, après la réélection du sénat, on poussera la victoire à bout ? Croit-on qu’on fortifiera la république en l’identifiant avec des préjugés de parti, en lui imprimant le caractère d’une domination exclusive et jalouse, en poursuivant jusque dans leurs modestes emplois les plus humbles fonctionnaires, en laissant la porte ouverte à toute sorte de représailles et d’accusations ? C’est là cependant ce qu’on fait trop souvent, ce qu’on voudrait aussi imposer au gouvernement, sans prendre garde qu’au lieu de montrer de la force, on ne montre que la faiblesse d’un parti inquiet et peu sûr de lui-même, étourdi encore de sa victoire. Ou cède à de petites vanités ou à des passions vulgaires, et voilà pourquoi M. Gambetta témoignait certainement l’autre jour d’un véritable esprit politique lorsqu’il rappelait devant l’image de Hoche la nécessité de cette modération qu’il appelait de la « clémence. » M. Gambetta, qui parle si bien quand il le veut, aura toujours raison de célébrer la modération dans ses discours, à la condition de la pratiquer dans ses actes, de la faire accepter par ses amis et de ne pas demander au gouvernement de la sacrifier à de vulgaires intérêts de parti.

Il y a un autre point où M. Gambetta s’est montré parfaitement correct et sérieusement prévoyant. Que l’orateur de l’anniversaire de Hoche se soit imposé pour la circonstance le singulier devoir d’attribuer à peu près exclusivement, à un parti, au parti républicain tout ce qui a été fait pour la réorganisation des forces militaires de la France depuis quelques années, c’est une faiblesse peu digne de son talent. La vérité est au contraire que depuis sept ans tout ce qui intéresse l’armée, a été un sujet presque sacré, patriotiquement réservé, devant lequel toutes les passions de parti se sont inclinées. On a pu discuter avec animation toutes les lois, toutes les propositions de crédit qui se sont succédé, — au moment où le scrutin s’est ouvert, il n’y a plus eu habituellement qu’un vote presque unanime comme il n’y avait qu’une même pensée de bien public, la pensée de tout donner pour la reconstitution de la puissance militaire de la France ; mais ceci n’est rien. M. Gambetta, en se croyant obligé de payer cette rançon à l’esprit de parti, n’a pas moins prononcé des paroles d’une prévoyante justesse, faites pour être recueillies. « Entendons-nous, a-t-il dit, en rappelant les bienfaits de la révolution, entendons-nous, et que personne ne s’y méprenne. Quand je parle de la révolution française dans l’armée, je parle des conquêtes qui ont été faites au point de vue de la constitution même des droits du soldat et de l’officier… Je ne parle nullement de tout ce qui pourrait être indiscipline et discussion du commandement à tous les degrés, et qui n’aboutirait, qu’à la confusion et à l’anarchie. L’armée est la représentation exacte et complète de la France… Élevée au-dessus des