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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/351

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républicaines, mais ils demandent des garanties à la république comme les républicains en demandent à la monarchie. Si la république doit s’établir, les monarchistes la veulent honnête, régulière, respectueuse de tous les droits, protectrice de l’ordre et de la justice, en un mot affranchie pour toujours de la domination jacobine, comme les républicains, si la monarchie doit revivre, la veulent soumise à la loi, respectueuse de toutes les libertés, associée à toutes les œuvres nationales, en un mot affranchie pour toujours des traditions de l’absolutisme et de la fureur des émigrés. La fureur des émigrés ayant rendu impossible le retour à la maison de Bourbon, c’est Bonaparte qui, porté par la gloire et secondé par l’instinct général de la nation, va créer une monarchie nouvelle.

M. Thureau-Dangin n’avait à juger ni le consulat ni l’empire ; il lui suffisait de rappeler pour le besoin de son étude que la question du parti conservateur libéral se trouvait de nouveau ajournée, non plus ajournée par des luttes civiles effroyables, mais par des œuvres prodigieuses et de prodigieux triomphes.

Quinze ans ont passé au bruit du canon. L’empire est tombé sous le poids de ses fautes et sous les coups de l’Europe conjurée. Voici les Bourbons revenus. C’est le moment où la question du gouvernement libéral, noblement posée au mois de mai 89, violemment écartée par les crises des années suivantes, va reparaître dans les conditions les plus propices. Les hommes qui représentent les doctrines conservatrices sont désormais en possession du pouvoir ; à eux de prouver qu’ils sont vraiment dignes du titre de conservateurs, c’est-à-dire que la liberté est pour eux un des élémens essentiels de l’ordre. Heure propice, ai-je dit ? Assurément, car la France est lasse des agitations révolutionnaires et de l’esprit de conquête, elle demande à vivre, à travailler, à réparer ses forces, à jouir de cette liberté légale achetée par tant de cruelles épreuves. Pour tout homme qui pense, la tâche du gouvernement est tracée : ni anarchie, ni despotisme.

C’est là dès le premier jour l’éloquente prédication de Chateaubriand. Dans un écrit où les sentimens rétrogrades ne manquent pas, le grand écrivain, cédant à l’évidence des choses, est obligé d’écrire ces mots : « Qui voudrait, qui oserait aujourd’hui vanter le pouvoir arbitraire ? Les excès d’un peuple soulevé au nom de la liberté sont épouvantables, mais ils durent peu, et il en reste quelque chose d’énergique et de généreux. Que reste-t-il des fureurs de la tyrannie, de cet ordre dans le mal, de cette sécurité dans la honte, de cet air de contentement dans la douleur et de prospérité dans la misère ? La double leçon de l’anarchie et du despotisme nous enseigne donc que c’est dans un sage milieu que nous devons chercher la gloire et le bonheur de la France. » Voilà le programme de la