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encore en reproduisant les types non de leur architecture privée, mais de leur architecture monumentale. Que signifient par exemple la rutilante façade de l’Alhambra et le porche monumental du couvent de Belem, tout brodé de sculptures, à côté d’un manoir anglais, d’une izba russe, d’un chalet de paysans norvégiens, d’une maison hollandaise du XVIe siècle ? Il semble qu’il y avait à copier dans les ruelles étroites de Tolède et de Grenade et dans les rues de Lisbonne des types d’architecture d’un moins somptueux aspect, mais d’un intérêt plus sérieux. On ne juge que par comparaison ; or quelle comparaison établir entre une église et une maison ? C’est comme si on mettait sous une même vitrine la redingote noire d’un Français et la chasuble raide d’or d’un pope moscovite et qu’on voulût par là comparer les costumes de la Russie et de la France. De plus, les monumens tels que les mosquées hispano-arabes et les cathédrales portugaises sont pour ainsi dire classiques ; la représentation en a été multipliée par la gravure et la photographie : ils ne peuvent que perdre à être ainsi exposés dans des proportions réduites et hors du cadre qui leur convient. Transportez Notre-Dame sur l’Acropole et le Parthénon au milieu de la place de la Concorde, et ces édifices, qui auront les mêmes formes et les mêmes proportions, n’auront plus le même effet. Sous peine de lui faire perdre son caractère, on ne peut détacher un monument du milieu topographique et climatologique où il a été construit et qui l’a inspiré. On sait quelle impression pitoyable produit au Cristal Palace de Londres la reproduction exacte des plus beaux monumens de l’architecture.

A défaut d’une façade, le Canada a élevé un trophée colossal avec ses bois d’essences variées, noyer noir, bouleau, gommier rose marbré, érable, pin Weymouth aux stries sanglantes, palissandre doré, nélicia veiné de violet. C’est une sorte de tour à plates-formes superposées où l’on accède par un escalier en spirale. La charpente de l’édifice disparaît sous les pelleteries, peaux d’ours, de daim, de loup, de renard et d’élan, les armes de guerre et de chasse et les engins de pêche qui forment une décoration sévère et originale. Dans la salle occupée par les états canadiens, on retrouve ces bois et ces lames sous une nouvelle forme ; l’industrie les a transformés en meubles de toute sorte et en épaisses étoffes.

Les États-Unis n’ont point d’architecture ; on s’en aperçoit. La façade de l’Union est plate comme un mur de hangar. Aucun relief, dans les chambranles des baies cintrées ; pas le moindre pilastre, pas le moindre balcon, pas le moindre entablement qui fasse saillie. Et que dire du belvédère à la chinoise, en bois découpé, qui surmonte cette banale construction ? Ajoutez à cela que les couches