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trot. Elles sont peintes, en rouge, rechampies de blanc et d’or ; la forme en est étrange et gracieuse. A voir ces singuliers véhicules ainsi brillans et ornés, garnis de leur paire de faux, on dirait les chars de guerre de la Grèce antique.

Les huit ou dix républiques de l’Amérique centrale et de l’Amérique du sud, qui bon an mal an font chacune leur petite révolution annuelle, se sont réunies pour tenter une révolution en architecture. Elles n’y ont point réussi, la matière architectonique étant, paraît-il, moins « ondoyante et diverse » que la matière électorale. C’est un amalgame de tous les styles. Une balustrade Louis XIV couronne une galerie de bois vitrée qui surplombe trois arcades en plein cintre. A gauche monte une tour quadrangulaire surmontée d’un belvédère en forme de kiosque ; à droite s’élève un autre corps de bâtiment, percé de fenêtres à chambranles renaissance et d’œils-de-bœuf Louis XV. On doit avouer que cette façade compliquée et cherchée a plus d’effet et de grâce que la façade de l’Amérique du nord, mais ce n’est pas en faire un bien vif éloge. Il semble que la commission de l’Amérique centrale eût pu prendre pour sa façade un type d’architecture nationale, comme l’ont fait quelques états pour la décoration de leur subdivision. La reproduction des lourdes constructions des Incas avec leurs profils massifs, leurs larges architraves, leur ordonnance pyramidale, leurs grossières figures en intaille, ou même celle des chalets du Nicaragua, faits de bambous et de roseaux, eût sans doute été moins intéressante aux yeux des personnes qui vont chercher dans l’Allée des Nations des modèles de villas pour le bord de la mer, mais elle eût eu une plus grande valeur d’art et de curiosité.

L’exposition de l’Amérique centrale n’est riche ni au point de vue du progrès des industries importées d’Europe, ni au point de vue du caractère des industries nationales. Chacun de ces états occupe une petite salle de quelques mètres carrés, dont les pelleteries, les denrées coloniales, les collections de paléontologie, de botanique, de minéralogie et d’ornithologie tiennent à peu près toute la place. La république argentine expose en outre des meubles de bois de rose qui prouvent ? que la matière n’est rien si elle n’est fécondée par l’art, et des cadres de chêne blanc qui témoignent pourtant de l’aptitude des Argentins à sculpter le bois. Ce sont des bordures extrêmement travaillées, perforées à jour par le ciseau et fouillées comme des sculptures en noix de coco, qui figurent des oiseaux, des fleurs et des dragons. Au Pérou, il y a des tables et des coffrets de bois de fer, ramages d’incrustations de nacre, des armoires entièrement recouvertes de plaques de nacre, des poteries vernissées, de style étrusque. L’exposition du Nicaragua se borne à