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qu’une seule classe, le zemstvo les embrasse toutes ; c’est le centre où toutes se rencontrent et se doivent concerter pour leurs intérêts communs. Cette réunion des diverses classes en une seule assemblée est le caractère le plus marquant et le plus nouveau des zemslvos russes[1].

Pour rencontrer rien d’analogue chez ce peuple si longtemps divisé par la loi et les mœurs en compartimens isolés, en catégories sociales, il faut remonter jusqu’à l’ancienne Moscovie, jusqu’à cette zemstkaia douma des XVIe et XVIIe siècles que certains Russes comparent non sans quelque exagération aux états généraux de l’ancienne monarchie française[2]. Dans le zemstvo de district, les représentans des diverses classes sont appelés à délibérer en commun ; mais chaque classe a ses représentans distincts. A cet égard, les nouveaux états provinciaux de la Russie rappellent certains de nos états provinciaux de l’ancien régime. Les membres du zemstvo se partagent en trois catégories : les élus des villes, les élus des communes de paysans, les élus des propriétaires fonciers[3]. La répartition des sièges entre ces trois groupes d’habitans doit être proportionnelle à leur force numérique ou mieux à leur fortune immobilière. Dans un pays aussi agricole et rural que l’est encore la Russie, la prépondérance est naturellement aux classes rurales ; les députés des villes choisis par les marchands et les propriétaires urbains sont de beaucoup les moins nombreux.

Les délégués des paysans sont les élus d’une sorte de suffrage universel, mais d’un suffrage universel à trois ou quatre degrés. Les électeurs au zemstvo de district sont désignés par les assemblées de volost ou de bailliage, qui elles-mêmes sont nommées par les assemblées communales composées de tous les chefs de famille[4]. Ces électeurs (vyborchichiki) se réunissent, par circonscription de justice de paix, en assemblée électorale, et là, en présence du juge, ils procèdent au choix de leurs députés (glasnye). Les paysans sont maîtres de prendre leurs délégués dans leur propre sein, ou parmi les propriétaires, les prêtres du district, sans que ni propriétaires ni prêtres aient le droit d’assister aux assemblées électorales des moujiks.

  1. Dans leur langue synthétique, les Russes désignent cette qualité d’un seul mot, vsesoslovny (omniclasse), mot qui revient souvent dans les discussions sur les modes de représentation.
  2. Voyez la récente et excellente Histoire de la Russie de M. Alfred Rambaud, chap. XV et XVII. Paris 1878 ; Hachette.
  3. Dans les districts où les classes accessoires ou secondaires, telles que les colonistes, comptent un assez grand nombre de membres, elles ont au zemstvo une représentation en rapport avec leur importance.
  4. Voyez, dans la Revue du 15 août 1877, notre étude sur la Commune rurale et le self-government des paysans.