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Et de la fausseté de ce raisonnement,
Ne fais pas un accablement
À cette douleur si cuisante
Dont je souffre ici le tourment.


Avouons que le grand Alceste aurait beau jeu s’il lui prenait fantaisie d’appliquer ici la poétique dont il use si vertement à propos du sonnet d’Oronte. La négligence devient par momens insupportable, les règles de la prosodie cessent d’être observées, et les rimes de même genre se succèdent sans entre-croisement de la façon la plus agaçante pour l’oreille :

Laissons cela, Zéphire, et me dis si tes jeux
Ne trouvent pas Psyché la plus belle du monde ;
Est-il rien sur la terre, est-il rien dans les cieux
Qui puisse lui ravir le titre glorieux
De beauté sans seconde ?
Mais je la vois, mon cher Zéphire,
Qui demeure surprise à l’éclat de ces lieux.


Et ces affreuses dissonances, qui mettaient Lamartine hors de lui, se reproduisent à tout bout de champ ! De loin en loin cependant un couplet bien venu se rencontre :

Oui, je me suis galamment acquitté
De la commission que vous m’avez donnée,
Et du haut du rocher, je l’ai, cette beauté,
Par le milieu des airs doucement amenée
Dans ce beau palais enchanté
Où vous pouvez, en liberté,
Disposer de sa destinée.


A la bonne heure, voilà qui nous sort de la platitude ambiante.

Je l’ai, cette beauté,
Par le milieu des airs doucement amenée.

Ce verbe séparé de son régime par le substantif mis à la rime, il y a là le coup d’aile d’un Molière ! Nombre d’amateurs répondront sans doute à nos critiques en citant la célèbre scène de Corneille entre l’Amour et Psyché au troisième acte. L’argument ne nous effraie pas. Cette scène, objet toujours nouveau d’admirations et d’exclamations routinières, est un morceau de conservatoire, rien de plus, vous n’y trouvez que rhétorique,

Et ce n’est pas ainsi que parle la nature !


Ces vers même dont on nous rebat aujourd’hui les oreilles :

Et je dirais que je vous aime,
Seigneur, si je savais ce que c’est que d’aimer,