Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/556

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce temps avancés jusqu’à Eleusis ; ils voulurent bientôt entrer en Béotie. La cavalerie des Perses les chargea en vain. Quand ils eurent soutenu plusieurs assauts dans leurs positions, leur courage s’en trouva singulièrement raffermi. Le campement qu’ils occupaient était à peu près dépourvu d’eau ; côtoyant la base du Cithéron, ils allèrent, les armes à la main, en chercher un autre. La fontaine de Gargaphie, sur le territoire de Platée, leur parut pouvoir suffire provisoirement à leurs besoins ; ils assirent leur camp dans les environs. 110,000 Grecs, dont le tiers au moins était pesamment armé, faisaient dès lors face à Mardonius. Une manœuvre de nuit amena un engagement inattendu. L’engagement devint tout à coup une grande bataille. Mardonius y fut tué, et Platée accomplit ce que n’avait pu faire Salamine : Platée affranchit définitivement la Grèce.

Mardonius, — le Murat des Perses, — avait mérité qu’on dît de lui : « C’est un homme ! » L’histoire équitable ne dira-t-elle pas de Xerxès : « Ce fut un roi ? » Je le laisse à juger aux hommes d’état qui savent de combien d’élémens divers se compose dans toutes les affaires humaines le succès. Quand un souverain vient à bout de mettre en mouvement plus de 5 millions d’hommes, de nourrir, dans un pays en majeure partie désert, 2 millions de soldats, non-seulement durant quelques jours, mais pendant le long espace de cinq mois, il faut au moins rendre à ce souverain la justice de lui reconnaître les qualités d’un bon administrateur. Ce qui manqua aux Perses pour vaincre à Salamine et pour triompher à Platée, s’imaginerait-on par hasard que ce fut le courage ? Les Perses saisissaient les javelines des Grecs des deux mains et brisaient les armes dont on essayait de les percer. Archers et cavaliers, coureurs infatigables, montagnards vigoureux et de taille à terrasser tous les athlètes d’Olympie, guerriers remplis d’un sombre et religieux enthousiasme, soldats repus comme ne l’ont jamais été les troupes de Wellington, champions de l’Asie qui apportaient avec eux l’ascendant incontesté de la victoire, pourquoi donc les Perses ont-ils été battus ? Les Perses ont succombé, — c’est Hérodote, c’est Eschyle qui l’assurent, — « parce qu’ils n’avaient ni boucliers, ni cuirasses. » Xerxès aurait dû pressentir sans doute les conséquences que pourrait avoir ce désavantage. Mais, avec son javelot et son arc, le Perse avait déjà subjugué tant de peuples ! Pouvait-on penser que ses traits viendraient s’émousser sur quelques peaux de bœufs et sur quelques écailles de bronze ? Les petites causes dans la guerre ont de grands effets. Sans doute la Providence n’est jamais complètement absente en ces conflits ; il ne faut pas cependant se hâter d’en conclure que la cause qui triomphe était la cause la plus juste. Les successeurs d’Alexandre n’ont pas fait aux