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filatures, les usines à gaz, la papeterie, à la monnaie, il a fallu recourir aux Européens, et, quoiqu’ils ne soient que simples employés, sans responsabilité ni indépendance, ils impriment leur marque à tout ce qu’ils font. Il fallait donc passer sous silence l’état de l’armée, de la marine, des chemins de fer, des nouvelles industries agricoles, ou élever de ses propres mains un monument à la gloire de 300 ou 400 Européens qui sont, chacun dans sa sphère, les agens de tous les progrès accomplis depuis dix ans. Il eût été pénible de s’effacer ainsi derrière des pédagogues, dont l’amour-propre national ne supporte pas sans impatience le concours nécessaire. Voilà comment le visiteur sérieux, qui cherche les élémens d’une appréciation sur ce pays, ne trouve au Champ de Mars ni l’exposition de l’ancien Japon qu’on a vue en 1867 et 1873, ni celle du Japon futur qu’on verra peut-être un jour, dégagé de ses entraves et délivré de ses instructeurs, figurer pour son compte aux expositions de l’avenir.

Deux exceptions seulement ont été faites à la règle de l’abstention, l’une pour l’instruction publique, l’autre pour les ressources minérales. Le groupe de l’instruction publique est, à vrai dire, le seul qui nous ait paru vraiment explicite et méthodiquement ordonné. Si l’on s’arrache à la contemplation des meubles et porcelaines qui l’avoisinent, on pourra se rendre facilement compte de l’importance de l’enseignement tant indigène que mixte aux divers degrés. Voici d’abord des alphabets ou plutôt des syllabaires (i-ro-fa) parlans, des tableaux de fruits, d’ustensiles, d’animaux, où l’élève apprend par les yeux, des sphères, des cartes muettes et des cartes murales ; des cahiers rédigés par les jeunes écoliers japonais, qui feraient rougir beaucoup des nôtres ; des programmes qui indiquent la portée des études. Enseignemens primaire, secondaire et même supérieur y figurent, sans autoriser néanmoins le terme pompeux de « faculté, » qui signifie un corps hiérarchique et non une école publique. A côté sont des photographies représentant les anciennes écoles de la capitale, en regard des nouveaux collèges, petit et grand, le ko-gakko et le kai-seï-gakko, et l’intérieur des dortoirs, promenoirs, salles d’étude, de dessin, bibliothèques, etc., puis un cabinet de physique sorti des mains des élèves eux-mêmes, une collection d’oiseaux et d’échantillons minéralogiques à leur usage, des traductions d’histoire universelle, des collections de monnaies, et jusqu’à un spécimen de banc et de pupitre nouvellement introduit dans quelques écoles.

Le tout est couronné par des diagrammes indiquant le chiffre proportionnel de la population des écoles, et les progrès qu’elle a faits depuis une dizaine d’années. La diffusion des lumières dans toutes les classes est un des plus indiscutables bienfaits du régime