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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/767

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commandant le parc n’eurent rien à se reprocher pendant la commune, car l’un fut acquitté par les tribunaux militaires, et l’autre fut l’objet d’une ordonnance de non-lieu. Ceci soit dit en passant pour répondre aux apologistes de la commune qui affirment que tout inculpé a été invariablement condamné par les conseils de guerre[1]. Le personnel que la commune avait placé aux Tuileries n’y menait point une existence déplaisante ; on y donnait volontiers de petites soirées intimes, qui n’avaient point l’éclat des réceptions de Mme la générale Eudes, administrativement dite fille Victorine Louvet, au palais de la Légion d’honneur, mais où cependant le bon vin et les femmes d’une vertu peu rigoureuse ne manquaient pas. On se trémoussait entre amis pendant que le colonel Dardelle jouait sentimentalement sur le piano la polka des Casquettes ou la valse du Chien vert, et que chacun louait la commune d’avoir enfin mis tout le monde à sa place : les archevêques en prison et les cabotins dans un palais. C’était bien là en effet l’égalité rêvée par tous ces drôles qui, mieux que les dissertations des naturalistes, ont prouvé l’excellence des théories de Darwin et démontré que, si l’homme descend des orangs-outangs, il ne demande qu’à retourner à ses ancêtres. La commune a été bien réellement une ère de réparation ; elle a, il est vrai, emprisonné les généraux, fusillé les magistrats, fusillé les prêtres, fusillé les banquiers, fusillé les soldats, mais elle a courageusement tout mis en œuvre pour attirer à elle et énergiquement protéger ceux que notre société prévaricatrice avait eu la faiblesse de punir parce qu’ils étaient meurtriers, voleurs, publiquement débauchés, banqueroutiers et faussaires. Cela seul fait comprendre pourquoi cette époque, qui fut la honte même de la créature humaine, a laissé tant de regrets parmi le monde des chiourmes, chez les aspirans galériens et les cuistres désespérés de leur obscurité.


II. — PREPARAIFS DE DEPARTt.

L’incendie complet des Tuileries ne permet pas de savoir d’une façon positive si, comme on l’a dit, le palais a été dévalisé pendant la commune ; il est probable que les vols que l’on a pu y commettre ont été peu importans. Une partie du linge fut enlevé, il est vrai, mais dans des conditions qui rendent ce fait jusqu’à un certain point

  1. A cet égard, voici des chiffres qui défient toute contradiction : 38,578 individus arrêtés, sur lesquels 907 sont décédés, 1,090 renvoyés après interrogatoire et 212 remis à la justice civile. La justice militaire en a donc retenu 36,300 ; 10,131 ont été condamnés, 2,445 ont été acquittés, 23,727 ont été rendus à la liberté par suite d’ordonnance, de non-lieu ; 110 condamnations à mort ont été prononcées après jugement contradictoire ; 94 ont été commuées.