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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/769

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réunit. Les portes de la salle de l’argenterie et du vermeil étaient closes et sous scellés. Ceux-ci furent brisés, et un serrurier attaché au service du palais fut requis d’avoir à crocheter les serrures. Dans la séance du 14 avril, le serrurier fut encore utilisé, il eut à couper des couverts afin que l’on en pût vérifier le métal, car aucun de ces hommes ne paraît avoir été capable de reconnaître les poinçons de la garantie qui constituent cependant un acte d’identité irrécusable. Le même jour, on décida que le service de vermeil offert à Napoléon Ier par la ville de Paris et les vases sacrés de la chapelle du château seraient envoyés à la Monnaie, où Camélinat les ferait jeter en fonte. Le procès-verbal de ce transfert fut signé par tous les membres de la commission, puis par Varlin, délégué aux finances, conjointement avec Jourde, par M. Gally, ex-régisseur du palais, et par M. Tholomy, ex-brigadier des journaliers.

Dans la seconde séance, on tomba d’accord pour faire porter au ministère des finances, afin d’y être mises à l’encan et vendues, les décorations en diamans appartenant à Napoléon III et qui étaient contenues dans trois grands coffres. Dans la troisième, on adopta une semblable résolution pour les bijoux, les armes de luxe, les montres enrichies de pierreries et une très belle collection de tabatières provenant de Napoléon Ier ; chaque fois le procès-verbal fut signé par les personnes que j’ai déjà nommées, mais chaque fois Jourde lutta contre la résolution adoptée. Il fit remarquer avec raison, mais en vain, que les objets réservés à la vente n’étaient pas seulement précieux par le métal dont ils étaient composés ou par les pierres qui les décoraient, mais qu’ils étaient bien réellement des objets d’art auxquels l’origine historique donnait une valeur considérable. C’était donc, selon lui, une duperie de les proposer aux enchères dans des circonstances mauvaises ; n’était-il pas préférable d’attendre que l’on pût en obtenir un prix sérieux ? Cette argumentation si simple et si juste ne convainquit aucun des membres de la commission ; tout ce qui avait appartenu aux tyrans n’était bon qu’à être mis au creuset ou vendu à des brocanteurs. Jourde dut céder devant la majorité. Tous les objets furent-ils transportés au trésor ? cela est douteux ; cependant on y retrouva, dans les caves, une caisse toute gluante du pétrole versé à flots dans le ministère des finances ; elle renfermait des fusils de chasse très riches ayant appartenu au roi Joseph, à la reine Caroline, à Pauline Borghèse, à Napoléon Ier et à Napoléon III. Mais, vers la fin d’avril, deux individus ayant le type israélite assez prononcé et parlant une langue étrangère que l’on croit être l’anglais vinrent, en compagnie d’un des membres de la commission, examiner ce qui restait dans la salle de l’argenterie et du vermeil, parurent discuter des prix et se rendirent à la délégation des finances ; je dirai en