amoureux de lui-même, ne paraît pas avoir été un homme méchant. Il ne se serait certainement pas, il ne s’est pas opposé au mal, mais il est probable qu’il ne l’aurait pas fait lui-même. Il a pu ne pas sortir du château les mains nettes, il a pu le regarder brûler sans sourciller, mais je ne crois pas qu’il y ait entassé des matières explosibles pour en assurer la destruction.
Dans la dernière semaine de la commune, le jeudi 18 mai, le docteur Rousselle, organisateur de fêtes populaires, et dont la bêtise emphatique paraît avoir dépassé toute mesure, donna aux Tuileries, dans les appartemens de réception et dans la salle des maréchaux, un concert avec intervention « des Tyrtées modernes » qui restera célèbre dans les fastes du grotesque[1]. Le dimanche 21 mai, nouveau festival, dans les appartemens et dans le jardin, avec musique des bataillons fédérés, quête pour les blessés et serment que jamais les troupes françaises n’entreront dans Paris. À ce moment même, elles y entraient. La commune a eu souvent de ces à-propos qui jettent un peu de gaîté sur son histoire. « Les Versaillais sont dans Paris, » cette nouvelle éclata aux Tuileries à l’aube du 22 mai et y remua tous les cœurs. Les employés réguliers eurent un bon mouvement de joie ; les agens de la commune ne furent point à leur aise, et le gouverneur, avant de songer à organiser la défense du château, s’occupa d’abord à déménager ses nippes et celles d’autrui. Ici le vol est manifeste et ne peut être nié ; les témoins sont nombreux qui l’affirment sous la foi du serment et dans des termes identiques. Une partie des hommes de garde appartenant au 57e bataillon fédéré s’en étaient allés. Il ne restait aux Tuileries qu’une trentaine de gardes nationaux qui réclamaient des munitions et se préparaient à combattre. C’est à ce moment sans doute que Jacques West disparut ; il est probable qu’il s’esquiva pour n’avoir pas à prendre part à la lutte. Vers neuf heures du matin, Antoine Wernert partit aussi, mais dans des circonstances particulières et qui ne sont point à sa décharge.
Par ordre de Dardelle, il fit avancer une charrette dans la cour des Tuileries, et exigea le concours de plusieurs employés de la régie pour y faire placer de nombreux paquets. Les ballots étaient volumineux, enveloppés dans des rideaux de soie, dans des draps ; dans des nappes estampillées à la marque de la lingerie du château ; on constata qu’ils renfermaient des porcelaines, de l’argenterie, des pendules, de menus objets mobiliers et des bouteilles de vin fin. Wernert veilla lui-même au chargement ; puis il prévint le sieur Potel, commis à la régie du palais, ex-capitaine au 112e bataillon de la garde nationale pendant le siège, d’avoir à ne mettre
- ↑ Voyez, dans la Revue du 1er juillet 1877, les Prisons pendant la commune : Sainte-Pélagie.