Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/826

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reçoivent des appointemens. Autrement on aurait du mal à trouver des hommes de bonne volonté pour l’étude des affaires. Ce système pèse naturellement sur des finances déjà souvent obérées, et rend les libertés municipales dispendieuses. A Odessa par exemple, le traitement de l’édilité imposait au budget municipal une charge annuelle de 50,000 roubles.

Faute de pouvoir les payer tous, il avait été naguère question à Saint-Pétersbourg de s’assurer de la présence des conseillers municipaux à l’aide d’un procédé inverse, en mettant à l’amende tout conseiller absent sans motifs. La douma ne s’est pas souciée de ce moyen de rigueur. D’autres demandaient que tout membre qui ferait défaut durant cinq séances fût considéré comme démissionnaire. Cette proposition n’a pas été davantage du goût de la douma pétersbourgeoise, pas plus qu’un projet de prendre les conseillers par l’honneur et de publier dans le bulletin municipal les noms des membres négligens et inexacts. Bref, après avoir nommé une commission spéciale pour étudier les moyens d’assurer l’assiduité de ses membres, la douma de la capitale s’est ainsi reconnue sans force ou sans volonté pour remplir les vides de ses bancs.

Des assemblées souvent aussi nombreuses et aussi négligentes ne sauraient suffire au soin des affaires, si elles ne se déchargeaient d’une bonne partie de leur tâche et de leurs pouvoirs sur un nombre restreint de leurs membres. Comme les zemstvos provinciaux, les doumas municipales ont une délégation permanente, appelée ouprava, qui imprime aux affaires une impulsion et une unité de direction que le conseil serait trop souvent incapable de leur donner[1]. Dans chaque municipalité, la douma représente le pouvoir législatif et délibérant, l’ouprava le pouvoir exécutif ; l’une est la chambre, l’autre le ministère de la ville. Cette commission exécutive est nommée par le conseil municipal, qui est libre d’en prendre les membres dans son propre sein ou en dehors. L’ouprava doit compter au moins deux membres en plus du maire, qui en est de droit le président. Dans les villes importantes, cette délégation est naturellement beaucoup plus nombreuse, elle formé comme un conseil restreint au milieu du conseil dont elle émane. Moins grand est le rôle de la douma, et plus grand est le travail de l’ouprava. Les fonctions de cette dernière ne sont pas une sinécure. En une seule année, l’ouprava de Saint-Pétersbourg a parfois eu plus de 300 séances. Quelque étendus qu’en soient les pouvoirs, ce comité permanent ne peut en droit prendre aucune mesure de quelque importance sans l’approbation et la sanction de la douma. Dans les

  1. Ce dédoublement des assemblées municipales n’est pas sans analogie avec le système imaginé en 1789 ou 1790 par notre assemblée constituante, qui au-dessus du conseil général de la commune avait placé un corps municipal restreint.