Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/846

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelque chose d’heureux est arrivé au roi, la nation se réjouit. Je ne veux pas dire qu’on n’aide pas un peu dès lors aux manifestations de ces réjouissances. Leur organisation officielle devient un des signes de l’existence d’une autorité centrale et un de ses moyens de prestige ; mais le plus souvent, de tous les ordres que reçoit la nation, c’est celui qui se fait obéir avec le moins d’opposition. Elle s’y mêle par une initiative souvent féconde en imaginations ingénieuses. J’ajoute que le plus souvent aussi, à la même époque, les événemens regardés comme heureux pour la royauté le sont aussi pour la France elle-même, tant les intérêts semblent identifiés. Un mariage royal paraît au pays l’équivalent pour lui-même d’une alliance utile ou brillante ; si le monarque célèbre une victoire, la fusion est complète ; roi et peuple ne font plus qu’un.

De grandes fêtes accompagnent le sacre des monarques. On n’a voulu voir là que l’alliance du prêtre et du roi. Le peuple était aussi de la partie. Relisez les détails des cérémonies du sacre, les paroles qui y étaient prononcées, vous y verrez, à travers d’autres idées, sans doute, celle d’une royauté protectrice du peuple, ennemie de l’oppression, s’engageant elle-même à la modération dans l’exercice du pouvoir. Ainsi le roi promettait formellement de « défendre le peuple de toutes rapines et iniquités de tous les degrés, item en tout jugement de commander équité et miséricorde. » On avait coutume de lâcher dans l’église plusieurs douzaines d’oiseaux en signe d’allégresse et de liberté. Combien de marques particulières de ces mêmes idées de liberté, d’affranchissement, de bonne justice rendue au peuple, se rencontrent dans le récit fait par Nicolas de Bray des fêtes qui suivirent le sacre et le couronnement de Louis VIII ! L’enthousiasme paraît sincère autant qu’il put jamais l’être à aucune époque dans ces masses facilement émues. Les plus riches portent, même dans les rues, les plus magnifiques costumes du temps, étalent l’or et la soie. Le peuple non-seulement se mêle à la fête, mais il la fait, pour ainsi dire, « en se livrant, dit le chroniqueur, à toute sorte de divertissemens publics. » D’eux-mêmes, « de joyeux jeunes gens et des jeunes filles forment des chœurs de danse ; des chanteurs paraissent entonnant des chants joyeux ; des mimes accourent faisant résonner la vielle aux sons pleins de douceur ; les instrumens retentissent de toutes parts : ici le sistre, là les timbales, le psaltérion, les guitares, produisent une agréable symphonie ; ils accordent leurs voix et chantent d’aimables chansons. » Il y a là une marque de l’union au moins momentanée qui s’établit entre la masse et les riches, entre le peuple et le roi, union attestée par des témoignages frappans. « Le riche n’écarte point l’indigent de la salle de ses festins ; tous se répandent en tous