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Consolidated Virginia, qui a distribué à ses actionnaires 60 millions de francs en 1875, tombe rapidement. Eu résumé, le Nevada avait apporté à la production totale de l’argent un surplus de 100 à 120 millions, et comme le bas prix du métal a découragé les autres entreprises, qui ont donné 30 ou 40 millions en moins, il ne reste qu’un accroissement net de 90 millions environ. Or, loin que l’argent du Nevada soit venu inonder l’Europe, les États-Unis en ont envoyé en Angleterre beaucoup moins pendant les années ou ce métal a baissé de prix que quand il était encore au pair, 5,690,000 livres sterling en 1872, 4,575,000 en 1873, 5,990,000 en 1874, et seulement 3,475,000 en 1875, et 3,090,000 en 1876. On peut donc affirmer que la baisse de l’argent provient des mesures législatives prises en Europe, — expulsion de ce métal de l’Allemagne et fermeture des monnaies dans l’union latine, — et non, comme on se l’était figuré, du surcroît de production des mines américaines. Le surplus a été absorbé par la frappe de la monnaie divisionnaire aux États-Unis et par les expéditions directes de San-Francisco pour la Chine.

Rien n’est plus curieux que le rôle régulateur joué par la France dans le chassé-croisé de l’argent en Europe. Le Silver-Committee anglais nous le montre avec une admirable précision. Pendant les quatre années de J 872 à 1875, l’argent a été soumis à des mouvemens tout à fait extraordinaires. L’Allemagne et les états Scandinaves ont expulsé de leur circulation pour environ 200 millions de francs de ce métal, l’Autriche 100 millions, et l’Italie, réduite complètement au papier-monnaie, a écoulé au dehors 200 millions. En ajoutant à ces sommes le chiffre de la production, on arrive à un total de 1,850 millions. L’Inde en a absorbé 225 millions, la Chine, le Japon et le reste de l’Orient 250 millions ; les États-Unis 200 millions, la Russie 100, l’Espagne 100, l’Angleterre 125, et la France à elle seule 837 millions, c’est-à-dire 337 millions plus que n’en ont libéré l’Allemagne, les états Scandinaves, l’Autriche et l’Italie tous ensemble. C’est ainsi que la France s’est donné, pour emprunter l’expression si forte et si juste de M. Rouland, cette solide base métallique qui la met à l’abri des crises commerciales et qui lui a permis de faire face, avec une facilité que nul n’osait prévoir, au paiement d’une indemnité et de frais de guerre de 9 à 10 milliards.

Il reste à examiner si dans l’avenir l’équilibre entre l’offre et la demande de l’argent se maintiendra et si l’accroissement de la production n’en amènera pas la dépréciation. Les deux Silver-Committees, celui du parlement anglais et celui du congrès américain, donnent à cet égard des chiffres très rassurans. Les mines du Mexique produisent moins, celles du Comstock lode semblent arriver à leur apogée, et c’est tout au plus si le développement des autres