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Jevons, dans son ouvragé Money, prouve la stabilité de la monnaie bimétallique, dont cependant il n’est point partisan, par une comparaison. « Supposez, dit-il, deux réservoirs d’eau : s’ils sont complètement séparés, chaque réservoir sera affecté par sa fluctuation particulière ; mais ouvrez un canal de jonction, un niveau commun s’établira, et sur une masse plus grande chaque fluctuation aura moins d’action. La masse des métaux, or et argent, circulant dans l’Europe occidentale est exactement représentée par l’eau de ces deux réservoirs, et le canal de jonction est la loi du 7 germinal an xi, qui permet à un métal de prendre la place de l’autre dans la circulation. M. Jevons démontre aussi, par un dessin qui frappe les yeux, qu’avec l’emploi des deux métaux les prix sont plus stables. Cela paraît évident ; plus la masse monétaire est considérable, moins une diminution ou un accroissement de la production de l’or ou de l’argent se fera sentir. Voici des chiffres qui n’admettent pas de contestation. La production de l’or était en 1852 de 910 millions et en 1875 de 485 millions, donc diminution de près de moitié, ce qui aurait amené une baisse considérable des prix avec l’or comme unique étalon. En 1852 la production de l’argent était de 200 millions ; aujourd’hui elle est de 350 millions. Donc augmentation considérable, et avec l’étalon d’argent seul, hausse notable du prix. Employez simultanément les deux métaux, le déficit de l’un est comblé par le surplus de l’autre, et l’équilibre se maintient dans le stock métallique et dans les prix. À ce point de vue, les partisans de l’argent d’il y a vingt ans avaient plus raison que ceux de l’or aujourd’hui. La production de l’argent augmente régulièrement à peu près dans la même proportion que la population et les besoins de l’échange. L’or au contraire est soumis à des fluctuations très grandes et très brusques. En 1825 la production de l’or est de 25 millions, en 1848 elle est de 150 millions, et quatre ans plus tard elle passe brusquement à 910 millions pour retomber aujourd’hui à 490. Si, comme tout le monde s’accorde à le proclamer, la première condition de la monnaie est la stabilité, il faut avouer qu’il n’y en a pas de condition pire que l’or seul, et pas de meilleure que l’or et l’argent réunis.

La pétition néerlandaise résume parfaitement les avantages d’une entente avec les États-Unis sur la base proposée par eux. La dépréciation de l’argent serait arrêtée, la variation dans la puissance d’acquisition des deux métaux serait réduite au minimum, et le rapport de valeur entre l’or et l’argent acquerrait une fixité très grande. On préviendrait les perturbations énormes qui seraient la suite de la démonétisation générale de l’argent. On rendrait un grand service au commerce entre l’Europe qui exporte et l’Asie qui absorbe l’argent, en donnant une valeur moins variable au métal qui