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français, en recherchant et en précisant les causes, ainsi que les origines de nos désastres.

Cette étude nous mettra à même de comprendre nos perplexités et nos contradictions au lendemain de Sadowa. Elle jettera aussi, je me plais à le croire, une lumière nouvelle sur les négociations si délicates, pour ne pas dire scabreuses, que nous avons engagées avec la Prusse avant la guerre et que nous avons si malheureusement poursuivies après ses succès. J’espère ne pas manquer d’impartialité, bien que la politique dont je vais essayer de raconter les erreurs ait préparé les catastrophes qui m’ont atteint dans mon foyer natal.


LA QUESTION DANOISE.

Il serait difficile d’apprécier les événemens de 1866 sans dire un mot de la question danoise, qui a été le gros souci de l’Europe pendant plus de quinze années, l’origine de tout le développement militaire et politique de la Prusse, la cause occasionnelle de trois guerres, la cause première du démembrement de la France, et, comme l’a justement remarqué M. Valfrey, le théâtre en raccourci sur lequel la politique française a commis le plus de fautes. Dans ce conflit, que l’histoire signalera toujours « comme un monument d’artifices, de mauvaise foi et de confusion, » tous les gouvernemens ont plus ou moins joué le jeu de la Prusse, la Russie par sa réserve préméditée, l’Autriche par ses inconséquences, les cours allemandes par leur aveuglement, le Danemark par son obstination. Mais le gouvernement français, par ses compromis avec le principe des nationalités, est celui qui a le plus volontairement méconnu ses intérêts et le plus contribué au démembrement de la monarchie danoise. Il a laissé de propos délibéré échapper toutes les occasions qui lui auraient permis d’arrêter la marche des événemens. Il a résisté à toutes les instances de l’Angleterre, qui ne négligeait aucun effort pour l’associer à la défense d’une cause où se trouvait engagé l’intérêt de l’équilibre européen. C’est ainsi qu’en 1864, lorsqu’il ne restait plus au Danemark d’autre chance de salut que l’accord des puissances et leur intervention résolue, au lieu de céder aux sollicitations du cabinet de Londres et de procéder avec lui à une action commune, le gouvernement français ne voulut voir que les inconvéniens de l’alliance. Il se refusait à comprendre la force que la simple manifestation de son autorité morale aurait donnée aux résistances naturelles que les projets ambitieux de la Prusse ne pouvaient manquer de rencontrer en Allemagne, il laissait prendre à M. de Bismarck, qu’aucun obstacle ne devait plus