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des correspondances rédigées à Berlin, où l’on agitait l’annexion de la Belgique et du Luxembourg à la France. S’ils parlaient de la cession de Trêves ou du bassin de la Sarre, ce n’était que pour avoir occasion de la démentir et pour indiquer que la France n’aspirait pas à des conquêtes en Allemagne.

On voit combien M. de Bismarck était intéressé à corriger l’impression que nous avait laissée l’entrevue de Gastein et à reconquérir un appui sérieusement compromis, sans lequel, il ne s’en cachait pas, ses conceptions auraient misérablement avorté.

M. de Goltz avait à se relever de l’échec qu’on lui reprochait d’avoir trop philosophiquement subi. Il prit sa revanche rapide et inespérée. Eut-il de grands efforts à faire pour convaincre un souverain qui ne demandait qu’à être convaincu? Il est permis d’en douter. Toujours est-il que M. de Bismarck éprouva un véritable soulagement lorsqu’il sut que l’empereur avait accueilli ses explications avec la plus extrême bienveillance, et que M. Drouyn de Lhuys, fort aux regrets de s’être si fâcheusement mépris sur ses intentions, se mettait en mesure de corriger par une nouvelle circulaire la pénible impression produite par sa dépêche du 29 août. Il comprit ce que signifiait ce retour si prompt et si démonstratif; il y vit une avance, il en inféra qu’il était attendu et qu’on écouterait sans répugnance les éclaircissemens qu’il lui plairait de donner au sujet de sa politique.

Le voyage de Biarritz ne devait plus rencontrer d’obstacles. Ainsi que l’empereur, le roi ne demandait pas mieux que d’être convaincu.


II. — L’ENTREVUE DE BIARRITZ.

Lorsque M. de Bismarck quittait Berlin vers la fin du mois de septembre 1865, il laissait derrière lui une situation fort troublée. — « Sera-t-il Richelieu ou sera-t-il Alberoni?» s’était demandé dès son avènement au pouvoir un diplomate d’une rare sagacité, accrédité auprès de la cour de Prusse[1], et cette question, deux ans après, notre ambassadeur la posait à son tour, en voyant le gouvernement prussien aux prises de tous côtés avec les plus grandes difficultés. « Au point où en sont les choses, écrivait-il, M. de Bismarck est voué à laisser le souvenir de l’empreinte d’un grand ministre, ou à terminer misérablement sa carrière de monomane obstiné, suivant la manière dont se résoudront les problèmes qu’il a posés. »

  1. Le baron Nothomb.