Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 29.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ni clientèle. Malgré sa participation à la néfaste journée du 31 octobre 1870, il échoua au premier scrutin du 26 mars. Celui du 16 avril fut plus juste et le ramassa pour l’envoyer à l’Hôtel de Ville où il n’apparut jamais que pour être violent. La délégation du Ier arrondissement contentait son ambition, et il lui suffisait d’être malveillant envers ses administrés pour croire qu’il méritait bien de la commune.

Docteur, ancien candidat aux assemblées législatives, homme d’expérience, membre d’un gouvernement à la fois militaire et réparateur, il se croyait la science infuse, car, semblable à ses congénères de l’Hôtel de Ville, il avait en lui-même l’imperturbable foi que donne l’excès de l’ignorance. Aussi venait-il au Louvre bien armé, bien escorté, non pour crever le portrait de Louis XIV, décapiter celui de Charles Ier, ou poignarder celui d’Henri IV, mais pour visiter les caves et y faire une perquisition sérieuse. Que devait-il donc y trouver : des armes, des Versaillais ou du vin ? Il devait, — le lecteur l’a déjà deviné, — découvrir l’entrée du souterrain qui mène, — toujours tout droit, — au Champ de Mars. Le rapport que j’ai sous les yeux dit : « Les recherches restèrent naturellement infructueuses. » Elles avaient duré deux heures. C’était pénible de s’en aller les mains vides et d’avoir fait ce que les veneurs appellent buisson creux ; Pillot remédia à cet inconvénient en donnant l’ordre d’emmener et de retenir à la mairie du Ier arrondissement quarante-sept gardiens ou gagistes attachés au service des musées. Ils seront des otages, et, si « le Louvre donne signe de monarchisme, » ils seront passés par les armes. Ces malheureux restèrent toute la nuit debout dans une salle, après avoir été brutalement interrogés par un commissaire central nommé Landeck qui voulait les envoyer à la préfecture de police, à Théophile Ferré, c’est-à-dire au supplice, car à cette heure, où la défaite n’était plus douteuse. Ferré pardonnait encore moins que d’habitude. On les réserva pour une autre besogne et, la baïonnette aux reins, le revolver au visage, ils furent contraints de travailler aux barricades que les fédérés élevaient dans la rue et sur le quai du Louvre. Un des conservateurs, indigné de voir ces pauvres gens réduits à cette servitude et forcés sous peine de mort à construire des ouvrages de défense contre ceux-là mêmes qu’ils attendaient avec une si vive impatience, se rendit chez les délégués aux musées, chez Héreau et Dalou. Il dit que l’on n’avait pas le droit d’arrêter d’honnêtes serviteurs qui n’avaient fait que leur devoir et qu’il priait les citoyens délégués de l’accepter, lui, comme otage afin que les gardiens fussent rendus à la liberté. Jules Héreau et Dalou ne savaient que répondre : — Nous ne pouvons rien en tout ceci, monsieur, sinon ne