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Le 22 mai, le 26e bataillon, lancé en avant-garde, enleva le Palais de l’Industrie après avoir nettoyé le pont des Invalides et le cours la Reine de façon à permettre à la division Vergé de se déployer jusqu’au faubourg Saint-Honoré. Les meilleurs tireurs, envoyés sur la toiture du palais, parvinrent à gêner singulièrement le feu d’artillerie que les insurgés, maîtres des terrasses des Tuileries, dirigeaient sur les Champs-Elysées. Dans un rapport spécial adressé le soir même au général Daguerre, le commandant de Sigoyer cite, d’une façon toute particulière, le capitaine Lacombe, qui, a dans la journée du 21 et du 22 mai, a donné les plus grandes preuves de bravoure et d’intelligence de la guerre. » La journée du 23 fut occupée à ébaucher la construction de batteries dans les Champs-Elysées et à tirailler contre les insurgés des Tuileries, de la rue de Rivoli et de la rue Royale. Le 24 mai, à quatre heures du matin, « le bataillon reçoit l’ordre de se porter dans le jardin des Tuileries en suivant la terrasse du bord de l’eau et de se maintenir dans cette position jusqu’à ce qu’un ordre nouveau lui trace l’itinéraire à suivre. » Un quart d’heure après, le bataillon était en marche. Le mouvement fut si rapidement mené que de petits postes communards restés en observation près des Tuileries furent enlevés. Le bataillon prit position derrière la barricade qui fermait le quai près du pont de la Concorde, sur la terrasse du pont tournant et sur la terrasse du bord de l’eau. Là il attendit les ordres qu’il devait recevoir.

On était immobilisé en présence des incendies dont on était enveloppé de toutes parts ; on était fort impatient et l’on piétinait sur place. Le capitaine Lacombe n’y tint pas, et au risque de sa vie il s’en alla, tout seul, faire une reconnaissance sur les quais. Il constate que le feu des Tuileries s’étend de proche en proche par les combles de l’aile où la nouvelle salle des états est appuyée, que le musée du Louvre est menacé et que, si on veut le sauver, il faut agir résolument, sans perdre une minute. Le capitaine Lacombe revint faire son rapport verbal au commandant de Sigoyer. Celui-ci était fort perplexe. L’ordre qu’il avait reçu était positif et ne pouvait être interprété que d’une seule façon : rester sur les terrasses jusqu’à ce que d’autres instructions indiquent sur quel point il faut se porter. Soit; mais, pendant que l’on attendrait les ordres, les musées pouvaient brûler. Le marquis de Sigoyer n’hésita pas; il résolut de n’obéir qu’à sa propre initiative et prit immédiatement ses dispositions pour s’emparer du Louvre.

La place n’était pas bonne; du haut d’une barricade placée près du Pont-Neuf, les fédérés balayaient les quais; on passa néanmoins, en rasant les murailles, homme à homme, au pas de course,