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Or, il se rappelait que toutes les fois qu’on avait creusé au-dessous de Resina, dans les profondeurs où se cache Herculanum, on en était revenu avec des objets d’art admirables. « C’est donc là, disait-il, qu’on doit fouiller; c’est sur ces ruines intactes et qui promettent tant de trésors qu’il faut concentrer les efforts et les ressources. » Et avec cette ardeur qu’il mettait à propager ses opinions, il invitait tous les amis des arts, tous les riches amateurs de l’Europe à se réunir pour faire les frais de ces fouilles fécondes.

Si cet appel est jamais entendu, si les banquiers et les antiquaires apportent à M. Fiorelli de quoi recommencer les travaux coûteux d’Herculanum, je crois qu’il acceptera très volontiers cette offrande généreuse et qu’il sera heureux de diriger de ce côté une partie de ses ouvriers. Mais je doute qu’on obtînt de lui, même dans ce cas, d’abandonner tout à fait Pompéi, c’est-à-dire le succès modeste peut-être, mais certain et facile, pour les difficultés et les aventures. Pourquoi y consentirait-il en effet, et quelle est la raison qui pourrait justifier cet abandon? Pompéi, dit Beulé, a donné à peu près tout ce qu’on doit en attendre. Tout se ressemble dans cette ville neuve, rebâtie et décorée en seize ans par les mêmes artistes. En supposant que les fouilles soient aussi heureuses dans l’avenir qu’elles l’ont été dans le passé, on n’y rencontrera jamais que la même maison, composée des mêmes matériaux, divisée de la même manière, avec son atrium et son péristyle, ses chambres d’esclaves et de maîtres, ses appartemens retirés et publics. Il ajoute que cette maison elle-même, tant de fois étudiée, cette maison élégante où l’on avait toujours l’espoir de découvrir quelque meuble précieux, on ne la retrouvera plus. Les quartiers riches, ceux qui entouraient le Forum et les théâtres, ont été fouillés; on n’a plus guère la chance que de tomber sur des maisons pauvres : et vaut-il la peine de se mettre en frais pour des masures?

M. Fiorelli pouvait répondre qu’après tout ces masures ont aussi leur intérêt. Les classes riches de l’antiquité nous sont assez bien connues : c’est d’elles surtout que la littérature nous entretient; elle nous fait savoir ce qu’elles pensaient et comment elles vivaient. Au contraire, ni les poètes, ni les historiens ne se sont beaucoup occupés des pauvres gens; quel service nous rendrait Pompéi en nous mettant sous les yeux une sorte de tableau vivant des classes populaires de l’empire ! Ainsi, quand on aurait la certitude qu’il n’y reste plus que des habitations pauvres, ce ne serait pas une raison d’y suspendre les fouilles. Mais cette prédiction de Beulé ne s’est pas accomplie. On a continué de trouver dans les quartiers nouveaux de Pompéi autant de maisons élégantes que dans les anciens.