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sont percées de larges ouvertures par où elles étaient introduites. Quelques-unes de ces maisons s’appuient sur de solides piliers qui avancent dans le fleuve, en sorte que les barques entraient dans la cave et que le propriétaire pouvait les charger et les décharger à son aise et chez lui, sans courir le risque d’être volé. Les vastes magasins voûtés qui recevaient les marchandises existent encore; en y retrouve ces grandes amphores, à moitié enterrées dans le sol, oïl l’on déposait le blé et l’huile. Elles ont beaucoup servi, et quelques-unes portent la trace des réparations qu’on j a faites. Toutes ces maisons s’ouvrent sur une rue qui devait être très fréquentée et fort brillante du temps de la prospérité d’Ostie. Elle est parallèle au fleuve, avec lequel des ruelles ou plutôt de petits passages la mettent en communication. L’un de ces passages est fermé par une porte d’un aspect monumental, qui prouve que même dans ces quartiers de commerce on avait un certain goût d’élégance, et qu’on y mêlait le sentiment des arts au souci des affaires. La rue des Docks, comme on pourrait l’appeler, a été dégagée dans une grande partie de sa longueur, et l’on peut la suivre aujourd’hui pendant plus d’un kilomètre.


IV.

Tandis qu’on parcourt cette longue rue et qu’on chemine entre ces deux rangées de magasins interrompus de temps en temps par quelques points de vue sur le Tibre, on se trouve transporté dans un monde d’industrie et de commerce, qui nous montre l’antiquité sous un jour nouveau. Les historiens anciens ne nous parlent guère des conditions économiques des sociétés de leur temps ; ils ne paraissaient pas se douter qu’on serait un jour curieux de savoir comment ces sociétés se procuraient leur subsistance, de quelle façon elles échangeaient leurs marchandises avec celles de leurs voisins, d’où leur venaient les objets nécessaires ou agréables à la vie. Ces détails leur semblent trop bas, et, comme ils se plaisent à ne nous faire voir leur époque que par ses côtés les plus nobles, ils n’y descendent pas volontiers. C’est à Ostie surtout que toutes ces questions se posent; c’est là aussi qu’il est le plus aisé de les résoudre. La vue de ses ruines, les souvenirs de son histoire peuvent nous donner à ce sujet plus d’un renseignement utile.

La tradition rapportait la fondation d’Ostie à un roi de Rome, Ancus Martius : «C’est lui, dit le vieux poète Ennius, qui bâtit ce port pour les beaux navires et les matelots qui cherchent leur vie sur les flots. » Quand Rome fut devenue maîtresse du monde, les sages, qui s’occupaient de découvrir les raisons qui l’avaient rendue