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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 29.djvu/665

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hostilités et de ne pas séparer sa cause de celle de la Prusse, au risque de rompre avec la France.

« L’empereur, disait-il, a télégraphié au roi que l’Autriche lui cède la Vénétie et qu’il s’arrangera facilement avec nous. La chose est d’autant plus grave qu’elle est publiée dans le Moniteur. Je comprends que l’empereur cherche à arrêter la Prusse, mais c’est extrêmement douloureux qu’il le fasse au détriment de l’honneur italien. Recevoir la Vénétie en cadeau de la France est humiliant pour nous, et tout le monde croira que nous avons trahi la Prusse. On ne pourra plus gouverner en Italie, l’armée n’aura plus de prestige. Tâchez de nous épargner la dure alternative d’une humiliation, insupportable, ou de nous brouiller avec la France[1]. »

En concertant avec le cabinet de Vienne les arrangemens du 9 juin, nous n’avions prévu que les succès de l’Autriche. On s’était flatté que, victorieuse en Allemagne, elle ne se défendrait sur le Mincio que pour satisfaire l’honneur militaire, et, dans cette hypothèse, il était permis d’admettre que le cabinet de Florence, n’ayant plus rien à espérer ni à redouter de la Prusse, se désintéresserait d’autant plus de la lutte que son ambition serait satisfaite. Mais après la défaite sanglante de Custozza et les victoires terrifiantes de son alliée en Bohême, c’était compter sur une abnégation peu commune que de demander au roi d’Italie de déserter l’alliance prussienne, c’est-à-dire le succès, et d’accepter Venise de nos mains à titre gracieux, comme prix de sa défection. Et cependant la résistance obstinée qu’il nous opposait, en ne tenant conseil que de ses intérêts, risquait de nous faire perdre tous les avantages que nous comptions retirer des événemens, elle nous mettait dans une situation fausse et paralysait l’action de notre politique. L’empereur en était vivement affecté. Partagé entre ses sympathies pour l’œuvre qu’il avait contribué à fonder dans la Péninsule et le besoin de s’opposer aux agrandissemens de la Prusse, il était comme garrotté, car il ne pouvait se prononcer contre la Prusse sans être du même coup forcé de se prononcer contre une alliée dont la cause lui était chère. Aussi hésitait-il à dire son dernier mot, espérant toujours que le roi se raviserait, que la reconnaissance l’emporterait sur les calculs de la diplomatie, et qu’après tant de services reçus il saurait à son tour subordonner ses intérêts à ceux de la France. Il n’en fut rien. Le cabinet de Florence ne résistait pas seulement à nos instances, mais il donnait l’ordre au comte Barrai de se rendre au quartier général pour supplier le roi Guillaume de décliner l’armistice[2]. Il était dit que les prévisions de

  1. I segreti di Stato. — La Marmora 1877.
  2. Dépêche de M. Benedetti.