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sécurité et les intérêts de sa politique en Europe, une armée de 800,000 hommes. « Nous avons été vainqueurs, ajoutait-il ; mais si la Providence avait voulu qu’il en fût autrement, je n’avais pas de seconde ligne ! »

La moralité de ces épreuves échappa au pays, il ne vit que les succès remportés et les gros chiffres du budget, et il en conclut que l’armée était trop considérable. Quant aux états-majors, soit ignorance, soit insouciance, ils se prêtèrent de mauvaise grâce et sans conviction aux réformes projetées. L’empereur demandait le service obligatoire, l’augmentation de la durée du service, l’endivisionnement des régimens et la création de corps d’armée[1]. Mais il manqua de volonté et, disons-le, d’autorité pour vaincre les résistances de la chambre et même celles de la majorité de son conseil. On se borna à voter un contingent régulier de 100,000 hommes, dont une partie alimenterait l’armée active et l’autre serait pendant quelques mois exercée dans les dépôts.

Les idées d’économie reprirent le dessus en 1865. Le gouvernement dut réduire les cadres, supprimer dans chaque régiment d’infanterie deux compagnies, dans les régimens de cavalerie le 6e escadron. On licencia les deux régimens de carabiniers de ligne et la garde fut diminuée de 14 compagnies d’infanterie, de 9 escadrons de cavalerie, de 4 batteries d’artillerie et de la division du génie. C’est au moment où ces réductions venaient d’être opérées que la guerre éclatait en Allemagne, et, à peine engagée, nous jetait dans la plus douloureuse alternative, laissant à ceux qui avaient présidé à la direction de notre politique extérieure et à l’organisation de notre armée une cruelle responsabilité.

M. Drouyn de Lhuys n’a pas jugé opportun de suivre l’exemple de son collègue et de se défendre ouvertement. Mais M. Pradier-Fodéré a reproduit, à titre de pièce justificative, le rapport du maréchal Randon dans une brochure qui contient, sous forme de notes à l’empereur et d’explications inédites, une série de révélations dont le but manifeste est de rejeter sur le chef de l’état et sur les conseils funestes du ministre d’état aussi bien que du prince Napoléon l’insuccès de notre politique. S’il était prouvé en effet qu’en prévision des événemens qui allaient surgir à nos portes toutes les précautions militaires avaient été concertées d’avance entre le ministre de la guerre et le ministre des affaires étrangères de façon à pouvoir parer victorieusement à toutes les exigences, la conclusion serait facile à tirer. La responsabilité de nos mécomptes retomberait tout entière sur ceux qui se sont jetés à la traverse de la politique d’action. Mais est-il

  1. La France a mis à profit ses douloureuses expériences, et sa nouvelle organisation militaire lui donne aujourd’hui dix-huit corps d’armée qui, se suffisant à eux-mêmes, permettraient la mobilisation immédiate de toute l’armée.