Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 29.djvu/696

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

surtout à la dotation de grandes académies, les finances des divers états de l’Allemagne étaient aux abois à cause de la longue guerre de succession d’Espagne. Pour suppléer à l’insuffisance des ressources de la royauté prussienne ou de l’empire d’Allemagne, Leibniz a recours à toute espèce d’expédiens qu’il ne se lasse pas de reproduire sous les formes les plus variées. Comment assurer aux académies dont il est le père un budget convenable et des ressources indépendantes, sans puiser dans le trésor public? Afin de les mettre à l’abri des disgrâces des princes ou de la pénurie de leurs finances, il développe un génie vraiment fiscal. L’auteur de la théorie des monades en remontrerait à un financier, à un fermier général ou à un contrôleur de l’ancien régime, ou bien même aux industriels, aux spéculateurs les plus habiles de nos jours et aux ministres des finances les plus féconds à imaginer des impôts nouveaux pour combler un déficit. Il n’est en effet projet de taxe ni d’impôt d’aucun genre, vexatoires ou puérils, dont il n’ait la pensée et devant lequel il recule, dans son amour des sciences et des lettres. La fin à ses yeux justifie les moyens; tout lui semble permis en considération de la sainteté du but, pias ob causas, selon sa grande excuse. Qu’on en juge par l’énumération, même incomplète, des diverses mesures fiscales qu’il a tour à tour proposées à divers princes pour le soutien et l’encouragement des académies et dont quelques-unes ont été adoptées en faveur de la société de Berlin.

La meilleure, la plus efficace, celle qui, pendant longtemps, paraît avoir été la principale ressource de cette société, c’est le monopole des calendriers ou des almanachs de toute espèce, calendriers de la cour, de l’empire, de l’état, des églises, des postes, etc. Ce privilège que n’a plus, à ce que nous croyons, aujourd’hui l’académie de Berlin, appartient encore à l’académie de Saint-Pétersbourg, qui a le monopole de la publication des calendriers en russe, en français et en allemand. Leibniz eût aussi voulu que la société de Berlin publiât des annuaires populaires, des petits livres, des manuels de science usuelle, d’hygiène pratique, de petits bréviaires ou catéchismes de morale à cause du profit à en retirer. Plus tard elle devait avoir de Frédéric II le monopole des cartes géographiques et de la publication des lois civiles. Leibniz réussit encore à obtenir un privilège sur lequel il fondait de grandes espérances, qui furent entièrement déçues, celui de la culture des mûriers, de l’éducation de vers à soie, et même de la fabrication de la soie, dont l’académie, il est vrai, aurait revendu le privilège. Quoique le sol des environs de Berlin ne soit pas tout à fait rebelle à la culture des mûriers, quoiqu’on en ait d’abord beaucoup planté à Berlin, à Potsdam, dans les promenades et sur les grandes routes, l’entreprise ne réussit pas. Vainement Frédéric II s’occupa-t-il aussi plus tard