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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 29.djvu/717

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cours qui se sont multipliés depuis quelques semaines, c’est que pour tous les esprits réfléchis il y a plus que jamais une grave question de conduite. Nous ne parlons pas, bien entendu, de ceux qui choisissent les éphémérides révolutionnaires pour se livrer à d’intempérantes apothéoses de la convention et des conventionnels d’autrefois, qui ne trouvent rien de mieux que de réhabiliter tous les souvenirs sinistres. Ceux-là vivent d’hallucinations et d’excentricités ; ils se croient les hommes de l’avenir, ils ne marchent pas même avec leur temps ; ils ont un idéal de république archéologique, ils sont figés dans le passé ! Avec ceux-là il n’y a et il n’y aura jamais rien à faire, parce que l’expérience ne les a jamais éclairés. Pour tous les esprits qui réfléchissent, il y a une question bien autrement sérieuse et, pour dire le mot, toute pratique. Jusqu’ici on est arrivé à établir un régime, à créer une république constitutionnelle, légale à travers toutes sortes de difficultés et de contradictions. On a triomphé depuis sept ans des oppositions les plus passionnées et les plus redoutables, des crises les plus dangereuses qui se sont incessamment renouvelées. On a dû cette victoire, cela n’est point douteux, à la patience, à la modération, et beaucoup aussi à la nécessité des choses, à cette étrange fortune qui a fait que tous les autres régimes se sont trouvés impossibles. Il s’agit maintenant d’aller plus loin, si on le peut, de mettre définitivement hors de toute contestation ce qui a été si laborieusement conquis, d’affermir les résultats des dernières années par la raison, par la mesure, par une bonne politique suivie avec persévérance ; il s’agit surtout d’éviter les fautes de conduite et même les excès de langage qui sont aussi des fautes. En un mot, on a réussi à vivre, il faut désormais savoir durer, et pour durer il n’y a qu’un moyen efficace, à peu près infaillible, c’est de démontrer par les faits, par la pratique de tous les jours, que le régime qui existe n’a rien d’exclusif et de tyrannique, qu’il est compatible avec les traditions et les intérêts de la France, qu’il suffit à sauvegarder la paix publique, toutes les nécessités de l’ordre extérieur aussi bien que de l’ordre intérieur.

Voilà la vraie question qui domine toutes les autres, et rien ne serait certainement plus périlleux aujourd’hui que de se laisser aller à des impatiences de domination, à des emportemens de parole, de croire qu’on peut impunément abuser d’une victoire qui s’explique par tant de causes diverses. C’est la pensée du gouvernement tout entier, nous n’en doutons pas ; c’est le sentiment qui anime M. le ministre des travaux publics dans ses voyages et qui, en dehors du cabinet, inspirait récemment à M. Jules Simon le discours si mesuré et si juste qu’il a prononcé à Saint-Brieuc. Pour tous les hommes sensés et prévoyans, la sagesse est devenue une heureuse obligation, et ces élections sénatoriales qui se préparent ne seront complètement favorables que si elles