l’orateur de la gauche se prononce vivement contre la taxation de la rente, contre la conversion prochaine du 5 pour 100, il peut se contredire, il peut être arrivé par des chemins imprévus à cette opinion, il ne cesse pas de parler en conservateur. Il resterait donc dans le discours de Romans tout ce qui a trait aux rapports de l’état avec l’église, à la politique du régime nouveau dans les affaires religieuses, et dans cette partie encore, si l’orateur de la gauche s’était borné à réclamer l’exécution des lois dont tous les régimes se sont transmis l’héritage, il n’aurait rien dit d’extraordinaire. Malheureusement, en cela comme en tout, M. Gambetta ne peut se dispenser d’ajouter à des opinions qui souvent n’ont rien d’exclusif par elles-mêmes une sorte de couleur et d’accent révolutionnaires.
Livré à sa propre raison, placé sur un théâtre où il est contenu, il a de la mesure au besoin, il sait calculer sa conduite et son langage. Quand il est à Romans ou à Belleville, le politique sérieux s’efface, le tribun reparaît escorté par la chaleureuse approbation de M. Madier de Montjau et par les lettres d’adhésion de M. Naquet. On ne sait plus si c’est le radicalisme qui a reconquis son orateur ou si c’est l’orateur de l’opportunisme qui a réussi à rallier, à modérer les radicaux. M. Gambetta parle des plus grands intérêts, des affaires religieuses comme de bien d’autres, en homme de parti exclusif et passionné qui cède à l’excitation du moment, à l’irrésistible attrait d’anciennes solidarités, et cette puissance de parole qui fait de lui le chef prépotent d’une majorité, il l’emploie à perpétuer une confusion singulière, à raviver les incertitudes sur ses véritables intentions, à créer des difficultés. M. Gambetta ne s’aperçoit pas que beaucoup de ces réformes qu’il réclame, qui par elles-mêmes n’ont rien d’irréalisable, ne sont cependant possibles que par l’action patiente, attentive, d’un gouvernement sachant se défendre de tout esprit de parti, unissant une modération extrême à la fermeté, à l’esprit de suite ; il ne remarque pas qu’au lieu d’aider à cette œuvre, dont il trace le programme retentissant, il la compromet, ou du moins il la rend plus laborieuse et plus épineuse par ses déclamations, par ses commentaires passionnés, par le caractère violent et agressif d’une œuvre de parti qu’il lui imprime.
Non, ce n’est là ni l’attitude ni le langage d’un homme mûr pour la direction des affaires. Un gouvernement sérieux ne peut ni parler comme M. Gambetta ni agir comme le propose l’orateur de la gauche, et U. le ministre des travaux publics montre assurément plus d’habileté, plus de tact, plus d’intelligence des vrais intérêts de la république, dans tous ces discours qu’il sème sur son passage en parcourant une partie de la France. M. de Freycinet avait déjà commencé cette propagande du bon sens et du patriotisme dans un premier voyage en Normandie ; il l’a continuée plus récemment dans le nord, à Boulogne,