ferait clairement entendre que ses compatriotes n’en avaient nul souci, ou que les plaintes de ce peuple insatiable étaient une injure envers l’Angleterre, qui s’était montrée trop bonne. Malgré tout, l’idée faisait son chemin. D’année en année, la question de disestablishment se représentait, gagnant toujours quelque voix nouvelle, jusqu’au jour enfin, — ce fut en mars 1868, — où M. Gladstone, au milieu d’un débat prolongé, déclara tout à coup qu’à son avis le moment d’abolir l’église établie d’Irlande était arrivé.
On le sait, le ministère Disraeli s’étant trouvé en minorité sur cette question dans la chambre des communes donna sa démission, bien qu’il eût encore l’appui des lords. Il conservait toutefois le pouvoir en annonçant qu’il dissoudrait la chambre à l’automne afin d’en appeler aux électeurs. Les tories ne choisissaient pas mal leur moment pour faire des élections, car ils avaient lieu de croire que, en Irlande du moins, les divisions intestines des partis leur assureraient encore la majorité. La question en suspens paraissait de nature à leur concilier les suffrages de tous les protestans, c’est-à-dire de tout ce qui jouissait de quelque influence en dehors du clergé catholique. S’attaquer à l’église établie, n’était-ce pas un sacrilège ? Bien plus, c’était une infraction à l’acte d’union de 1800, dont l’article 5 stipule qu’il n’y aura plus désormais qu’une seule et unique église pour l’Angleterre et l’Irlande. Comment, en présence d’un texte si formel, maintenir les privilèges de l’église d’Angleterre si l’on porte atteinte à ceux de l’église d’Irlande ? Elles ont même doctrine, même discipline, elles sont régies par le même gouvernement. Peut-on conserver l’une en même temps que l’on détruit l’autre ? Ainsi raisonnaient les orangistes, peu nombreux comme l’on sait. Dans le camp contraire se réunissaient tous ceux, depuis les évêques jusqu’aux fenians, qui réclamaient la liberté civile et religieuse. Bien peu de leurs candidats l’emportèrent ; néanmoins leur cause était gagnée, car la majorité du nouveau parlement était acquise à M. Gladstone. En moins de six mois, la chambre des communes votait le projet relatif au disestablishment de l’église irlandaise. Quelques semaines après, la chambre des lords l’acceptait à son tour en dépit de ses préjugés, et enfin la sanction royale le transformait en loi le 26 juillet 1869. Ce fut un jour de triomphe pour les compatriotes d’O’Connell. Tandis que l’archevêque de Dublin faisait célébrer un triduum dans sa cathédrale, le conseil municipal de Dublin envoyait une adresse de remercîment à M. Gladstone. Cependant on se tromperait à croire que le principal résultat de cette lutte ardente fut la victoire de la liberté religieuse. Il y avait une autre conséquence de plus grande importance. Les Irlandais y avaient appris à s’unir dans une œuvre commune et, ce qui