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L’EXPOSITION FORESTIÈRE

I.
LES BOIS ÉTRANGERS.

Nous ne sommes pas de ceux que le succès de l’exposition a convertis à l’idée que le moment était opportun pour la France de convier tous les peuples à cette solennité internationale. Il nous semble qu’après les désastres sans nom dont nous avons été les victimes il eût été convenable de nous recueillir un peu plus longtemps, et qu’après la mutilation de notre patrie le temps n’était pas venu de faire fête à ceux qui nous avaient pris nos provinces, ou qui nous les avaient laissé prendre sans un mot de protestation. C’était surtout faire preuve de peu de mémoire et porter bien peu de temps le deuil de nos compatriotes que d’insister, comme on l’a fait, pour que l’Allemagne prît part à ce tournoi pacifique, après la guerre sans merci qu’elle nous avait faite. Son gouvernement a eu la pudeur de décliner nos invitations et de nous épargner la douleur de voir les produits alsaciens et lorrains, qui jusqu’ici avaient fait la gloire des expositions françaises, s’étaler sous les plis du drapeau prussien. Ils n’y eussent pas, il est vrai, fait une bien brillante figure, car l’annexion à l’Allemagne a été pour ces provinces, autrefois si prospères, une cause de ruine et de dépopulation. La seule exposition qui leur convienne en réalité est celle dont M. d’Haussonville a été le promoteur et qui représente le modèle des chalets que la société, dont il est l’infatigable président, a fait construire en Algérie pour ceux des habitans de l’Alsace-Lorraine qui ne peuvent se résigner à renoncer à leur qualité de Français ; elle caractérise parfaitement la situation morale et économique de cette malheureuse province, situation qui se résume par un mot, l’émigration de tous ceux qui ne sont pas forcés d’y rester.