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et renfermant une grande quantité de résine que l’opération du gemmage a accumulée dans les tissus; employé dans la menuiserie, l’ébénisterie, la fabrication des wagons, il ne le cède sous aucun rapport à nos bois les plus recherchés. Il faut citer aussi l’hickory, espèce de frêne dont on fait grand cas comme bois de menuiserie et de charronnage. On en fabrique des roues de voitures d’une légèreté et d’une solidité remarquables.

Ce qui aux États-Unis se consomme et s’exporte de bois est inimaginable; employé dans les constructions civiles et navales, dans l’ébénisterie, dans les chemins de fer, utilisé pour la fabrication du papier, pour celle du charbon et de la résine, servant au chauffage des habitations et des locomotives, le bois est d’un usage si général que s’il venait à manquer la vie tout entière de la nation s’arrêterait pour ainsi dire brusquement. Cette perspective a frappé certains esprits, et le gouvernement paraît s’être ému de la disparition des massifs forestiers qui, il y a peu d’années encore, couvraient le continent américain. Le congrès a ordonné une enquête, et un rapport volumineux vient de lui être adressé par M. Hough sur ce sujet.

D’après ce rapport, les actes édictés jusqu’ici pour empêcher dans les forêts appartenant aux états l’exploitation des arbres propres aux services publics sont restés lettre morte. Les concessionnaires, soustraits à tout contrôle, abattent ce qui leur convient et souvent ont recours à l’incendie pour cacher leurs méfaits ; aussi commence-t-on à s’apercevoir des effets de cette dévastation. Non-seulement sur un grand nombre de points le bois devient de plus en plus cher, mais on constate déjà des perturbations climatériques inquiétantes ; ainsi en Californie, où les forêts ont été détruites pour la consommation des usines et des forges, la neige des sierras fond brusquement, et, au lieu d’alimenter les cours d’eau d’une manière continue, elle les transforme en torrens au printemps et les laisse à sec le reste de l’année. Les terres échauffées par le soleil de l’été fondent les premières neiges, et prolongent l’automne jusqu’au milieu de l’hiver, rendant ainsi la contrée plus sèche et plus chaude. Pour conjurer le danger, M. Hough ne craint pas de proposer l’adoption de lois restrictives ayant pour objet de régler les exploitations des forêts et d’imposer aux états l’obligation de ne plus vendre ni pâturage, ni terrain déboisé, sans exiger des acquéreurs qu’une partie en sera replantée. Il demande également la création d’une administration forestière semblable à celle qui existe dans la plupart des états de l’Europe, et comme il prévoit fort bien que la législation actuelle des États-Unis, qui soumet tous les emplois à l’élection, ne permettrait pas aux hommes capables et honnêtes