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sa cour de cassation. C’est la justice ecclésiastique[1]. Presque seule dans le monde chrétien, l’église russe a gardé sur ses membres ou ses clercs ce droit de justice, ce for ecclésiastique aujourd’hui encore si vivement regretté de l’église latine. Dans chaque diocèse ou éparchie siège un consistoire éparchial (êparkhialnaia konsistoria) dont les membres, appartenant tous au clergé, sont nommés par le saint synode sur la présentation de l’évêque[2]. C’était là jusqu’à ces derniers temps le tribunal de première instance pour les causes encore ressortissant à cette justice spéciale. Près de chacun de ces consistoires diocésains est placé un secrétaire qui, nommé par le saint synode sur la présentation du haut procureur de cette assemblée, reste sous les ordres immédiats de ce fonctionnaire. Les secrétaires des consistoires ont sur la marche des affaires et sur les décisions des procès une influence qui a parfois donné lieu à de regrettables abus et ouvert la justice de l’église aux vices qui déshonoraient la justice laïque. Au-dessus des consistoires et des évêques, s’élève le saint synode, vrai sénat ecclésiastique qui juge en dernier ressort, tantôt comme cour d’appel, tantôt comme cour de cassation.

On s’étonnera peut-être que, suivant l’exemple de la plupart des états de l’Occident, la Russie n’ait pas encore partout substitué à la justice ecclésiastique la justice laïque. C’est que le gouvernement du tsar n’a pas voulu dépouiller l’église nationale d’un droit séculaire ; il s’est contenté de mettre à l’étude une réforme qui doit en même temps modifier la procédure de la justice ecclésiastique, en refondre les tribunaux et en limiter la compétence. Voici quelles sont les bases de cette triple réforme lentement élaborée par une commission spéciale dont les travaux étaient achevés avant la dernière guerre d’Orient.

Aujourd’hui la justice ecclésiastique souffre des défauts de l’ancienne justice russe : on veut la réordonner selon les principes qui ont dirigé la réforme des tribunaux ordinaires. Les pouvoirs judiciaires et administratifs étaient confondus dans les consistoires de diocèse comme dans le saint synode. On doit donner à la justice des organes indépendans et soustraire ses décisions à l’autorité ou à la confirmation des évêques diocésains. La procédure était écrite et secrète, elle sera publique et orale. Comme les tribunaux ordinaires les cours ecclésiastiques s’ouvriront aux débats contradictoires, les accusés n’y seront plus condamnés sans être entendus,

  1. Nous ne comptons pas ici la justice militaire, qui en Russie, comme partout ailleurs, a naturellement sa juridiction propre et son code particulier.
  2. Voyez sur cette organisation diocésaine la Revue du 1er mai 1874.