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APRÈS LA LECTURE D’INDIANA

Le roman d’Indiana venait de paraître, et, en peu de jours, il avait atteint à sa troisième édition, chose rare dans le temps où le format in-18 n’avait point encore mis les nouveautés littéraires à la portée des petites fortunes. Le public des lecteurs, en 1833, était moins nombreux, mais plus attentif et plus exigeant que celui d’aujourd’hui. Lorsqu’on apprit qu’Indiana était l’ouvrage d’une femme, le mérite de ce roman avait été reconnu et apprécié de telle sorte que la curiosité n’eut qu’une faible part dans la grandeur du succès, et le nom de George Sand fut ajouté sans contestation à ce groupe d’écrivains et de poètes qu’on appelait alors la pléiade.

Alfred de Musset lut deux fois le roman d’Indiana à trois ans d’intervalle. La première fois ce fut en juge sévère et en critique, et la seconde dans une disposition d’esprit bien différente, comme on le verra par les souvenirs qu’il a laissés de ces deux lectures. L’occasion s’offrait à lui de faire la connaissance de George Sand lorsqu’il ouvrit ce livre nouveau afin de pouvoir en parler à l’auteur. Assurément, il n’était pas homme à se tromper sur la qualité du style ; mais il y remarqua, dès les premières pages, quelques imperfections, comme des adjectifs trop nombreux et des membres de phrase inutiles. Tout en poursuivant sa lecture, il s’arma d’un crayon, et il effaça dans le premier chapitre les mots et les détails qu’il considérait comme des superfluités. L’extrait suivant que nous donnons de ce curieux travail permettra de juger si les corrections sont bonnes, et si le style gagne à être ainsi châtié. Cette page est la première du livre et l’exposition du roman[1].

  1. Les mots en italiques sont ceux que le crayon a effacés ; les mots entre parenthèses sont ceux ajoutés par le lecteur.