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« ... Je ne doute point, — écrivait par exemple Catherine II à l’empereur Joseph, le 10 septembre 1782, — qu’il ne plaise à Votre Majesté Impériale de remplir pleinement et entièrement l’article secret des engagemens qui subsistent entre nous; ... Si nos succès nous mettaient en état de pouvoir délivrer l’Europe de l’ennemi du nom chrétien en le chassant de Constantinople, Votre Majesté Impériale ne me refuserait pas son assistance pour le rétablissement de l’ancienne monarchie grecque, sur les débris et la chute du gouvernement barbare qui y domine, sous condition expresse de ma part de conserver cette monarchie renouvelée dans une entière indépendance de la mienne, en y plaçant le cadet de mes petits-fils, le grand-duc Constantin... Ce nouvel empire grec pourrait être borné par la Mer-Noire du côté de la Russie ; ses bornes du côté des états de Votre Majesté Impériale dépendraient des acquisitions qu’elle aura faites ou stipulées à la chute du gouvernement barbare, et enfin le Danube fixerait les limites de la Dacie et de l’empire grec. Les îles de l’Archipel resteront aussi sous la puissance de cet empire renouvelé... »


Sur la « Dacie » (qu’elle destinait à son favori Potemkine) l’impératrice s’expliquait ainsi qu’il suit dans la même lettre :


« ... Il conviendrait, ce me semble, de statuer préalablement et à jamais qu’il y eût un état indépendant entre les trois empires (la Russie, l’Autriche et l’empire grec renouvelé), qui serait maintenu à toujours dans l’indépendance des trois monarchies. Cet état, jadis connu sous le nom de Dacie, pourrait être formé des provinces de Moldavie, Valachie et Bessarabie, sous un souverain héréditaire de la religion chrétienne dominante dans lesdits états, et sur la personne et la fidélité duquel les deux cours impériales pourraient compter... Les bornes de ce nouvel état devront être circonscrites par le Dniester et la Mer-Noire du côté de la Russie, et de celui des états autrichiens par la dernière prise de possession que j’ai garantie à Votre Majesté Impériale... C’est sur quoi, d’après l’article secret de notre traité, il conviendra que nous nous expliquions plus en détail ; je m’attends, en conséquence, que Votre Majesté Impériale voudra bien s’ouvrir à moi sur cela avec cette confiance que l’amitié intime rend indispensablement réciproque. »


Reportons-nous à quelques années en arrière de cette lettre, de l’impératrice Catherine, et observons de plus près les singulières circonstances au milieu desquelles s’était établie l’entente secrète entre la Russie et l’Autriche pour le partage éventuel de l’empire ottoman. Les événemens qui se sont passés de nos jours, et dont plus d’un côté demeure encore obscur, emprunteront