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fonctions officielles, un déploiement inutile d’autorité, j’avais peur que notre demande d’admission ne fût repoussée. Il n’en fut rien; le but de notre visite exposé, nous franchîmes la redoutable clôture, et, conduits par une religieuse, nous eûmes toute facilité de visiter la maison du haut en bas dans ses moindres détails, aussi bien le pensionnat de jeunes filles payantes que les salles affectées aux enfans pauvres. Dans cette visite rapide, nous ne vîmes rien qui ne parût à louer dans le soin matériel et dans l’éducation des enfans, et comme la plupart des religieuses étaient françaises, mon amour-propre national n’eut point à souffrir vis-à-vis de mon compagnon. Nous fûmes, avant de partir, reçus dans un petit salon de bon goût par la supérieure, que son âge avait empêchée de nous accompagner dans notre inspection, et la visite se termina par l’offre classique d’un verre de sherry, dans lequel nous fûmes seuls, il est vrai, à tremper nos lèvres.

Puisque je me trouve incidemment conduit à parler ici de l’éducation donnée aux enfans catholiques anglais par les congrégations religieuses, je ne crois pas devoir m’abstenir d’une observation. C’est que, dans l’intérêt même de ces congrégations, et pour que les autorités paroissiales soient disposées sans trop d’ombrage à traiter avec elles; ceux qui, de Londres ou d’ailleurs, conduisent le mouvement du catholicisme en Angleterre feraient bien de favoriser plutôt le développement des ordres libres que celui des ordres cloîtrés. Les Anglais comprennent mal cette éducation donnée par les ordres cloîtrés, qui s’arrête à la porte du couvent, qui ne suit pas l’enfant dans la vie, qui demeure volontairement étrangère aux difficultés dont son existence sera peut-être entravée et ne peut plus rien faire pour l’en tirer. Ils craignent que cette éducation renfermée ne manque du caractère pratique qu’ils s’efforcent de faire prédominer dans leurs écoles, et que des jeunes filles ainsi élevées ne soient propres qu’à faire des nonnes et non point des femmes de ménage. Pour désarmer ces objections, dans lesquelles à une somme d’incontestable vérité se mêle aussi une forte part de préjugés, il y aurait tout avantage à favoriser en Angleterre le développement d’un ordre dont le nom y est déjà connu et respecté, c’est celui de Saint-Vincent-de-Paul. La manière d’être franche, simple, libre des sœurs grises s’accommoderait très bien avec les mœurs anglaises, et le développement de cet ordre populaire les effaroucherait moins que celui de ces communautés nouvelles dont les noms mystiques répondent aux tendances de la dévotion moderne, mais ne sont point dénature, dans ces pays protestans, à attirer la confiance et à triompher des préjugés. C’est là une observation d’une portée toute pratique que je soumets respectueusement à qui de droit.