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l’entre-pont. Le principe d’éducation du capitaine de l’Exmouth, c’est de faire naître et d’entretenir chez ces enfans qui sont destinés à porter l’uniforme le sentiment de l’honneur. Il y parvient en distribuant des galons d’honneur parmi les sujets d’élite et en laissant à ceux-ci, lorsqu’ils vont à terre en permission, une grande liberté dont le retrait de ces galons punit immédiatement le moindre abus. Pour les fautes plus graves, on met en usage d’autres moyens de coercition plus effectifs, parmi lesquels figure le fouet, et comme je demandais à mon compagnon de visite, le docteur Bridges, s’il n’y avait pas quelque contradiction entre ce mode de châtiment et le principe même de l’éducation, il me répondit : — Il n’y a pas un membre de la chambre des lords qui n’ait été fouetté dans sa jeunesse, — réponse qui, je l’avoue, me ferma la bouche.

Quels sont, à les considérer dans leur ensemble, les résultats de l’éducation donnée dans ces écoles? Si on compare le passé au présent, ils sont beaucoup plus satisfaisans que l’opinion publique n’est portée peut-être à se le figurer. Un inspecteur du gouvernement local se plaignait naguère, avec raison, qu’on continuât encore à se représenter les écoles de workhouse sous l’aspect de celles décrites par Dickens dans Oliver Twist. Par une meilleure organisation de ces écoles, on est arrivé en effet à détruire en partie cette plaie de l’hérédité dans le paupérisme ; qu’on constatait en relevant de génération en génération les mêmes noms de famille sur les registres des workhouses. Ce serait peut-être aller trop loin que d’attribuer uniquement à cette meilleure organisation la diminution du paupérisme qui, depuis vingt ans, a réduit le chiffre des pauvres secourus en Angleterre et dans le pays de Galles de 940,552 à 752,887. Mais cette amélioration y entre certainement pour une large part, et, à un autre point de vue, l’abaissement du chiffre des pauvres secourus répond victorieusement aux critiques trop acerbes dirigées contre l’administration de la loi sur les pauvres. Maintenant, si l’on veut envisager ces mêmes résultats à un point de vue plus abstrait, il faut pour les apprécier équitablement tenir compte des difficultés que rencontre l’éducation des enfans pauvres. Ces difficultés sont de deux sortes. Les unes tiennent à la nature même des enfans qu’il s’agit d’élever; les autres au peu de temps que ces enfans demeurent parfois sous la main qui les élève. Pour donner une idée de l’état de sauvagerie morale auquel en sont arrivés la plupart des enfans recueillis dans ces écoles, je ne puis mieux faire que d’emprunter encore à ces souvenirs, dont j’ai déjà traduit un fragment, le récit d’une première journée passée au workhouse :

«Après que nous fûmes descendus de l’omnibus, ma sœur et