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de l’oreille du côté opéré s’élève à 25 ou 30 degrés. Chez certains animaux, la sueur suit l’élévation de la température; chez les chevaux, on la voit couler abondamment sur un seul côté de la tête, le côté opéré; par un temps un peu frais, la vapeur d’eau, rejetée par les naseaux avec l’air expiré, se condense plus abondante de ce côté, ou se condense de ce seul côté.

Peut-on expliquer l’accroissement de chaleur des parties auxquelles se distribue le sympathique coupé par la simple augmentation de la masse du sang qui les parcourt, et qui ainsi les réchaufferait plus que de coutume? Claude Bernard estime que c’est là une idée fausse. Suivant lui, la section du sympathique cervical n’a pas uniquement modifié les phénomènes physiques de la circulation; elle a agi indirectement sur les phénomènes chimiques de la nutrition et imprimé plus d’activité à la production de chaleur dont l’oreille est le siège. Claude Bernard en a fourni la preuve en préservant de toute cause de refroidissement la tête de chevaux sur lesquels il sectionnait le nerf. Avant la section du nerf, il ne trouvait pas entre la température du sang veineux et celle du sang artériel une différence bien appréciable; après la section, il voyait du côté opéré la température du sang veineux s’élever quelquefois de 0°,7 à 0°,8 au-dessus de celle du sang artériel. Il y avait donc eu augmentation absolue de la chaleur du sang dans le système capillaire de la partie. Cette augmentation absolue, à quoi la rapporter, sinon à une suractivité locale des échanges nutritifs? Les modifications chimiques subies par le sang en témoignent aussi. Le sang veineux est resté rutilant comme dans le système artériel. Ce changement de coloration prouve que le sang n’a pas subi dans les tissus la transformation qu’il y éprouve normalement. Sa coagulabilité est devenue plus considérable ; l’aspect du caillot sanguin change. Les phénomènes de nutrition, d’échange de matière, sont donc modifiés.

La sensibilité de cette région à circulation suractivée est exaltée. Si l’on pince également l’oreille des deux côtés, on voit du côté opéré la douleur se manifester plus prompte et plus vive. Le ton musculaire s’accroît aussi : toutes les ouvertures de la face, palpébrale, pupillaire, nasale, sont rétrécies du côté où a été fait la section. La commissure labiale est ramenée en avant en même temps que tirée en dedans vers le côté sain. Si, après avoir pratiqué la section du sympathique, on fait périr l’animal en l’empoisonnant avec le curare par exemple ou en le sacrifiant par hémorragie, on voit le côté opéré survivre à l’autre; les tissus y conservent plus longtemps leurs propriétés vitales. Ces mêmes parties résistent mieux au froid. Sous l’influence du froid, les vaisseaux de l’oreille saine se contractent et la température s’abaisse ; du côté opéré, la température