Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/298

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’abaisse ou se ranime. L’engourdissement est une condition de résistance vitale, comme l’était la vie latente. L’animal hibernant reste, pendant l’hiver, sans prendre de nourriture. L’atténuation du processus vital permet cette longue suspension du ravitaillement matériel. Mais l’animal hibernant a besoin de réserves intérieures; d’abord pour suffire à la consommation qu’il fait dans l’état d’engourdissement, car la destruction vitale n’est pas suspendue, elle n’est que diminuée, puis pour parer aux besoins impérieux du réveil ; à ce moment les réserves sont pauvres et bientôt épuisées, et l’animal hibernant meurt promptement s’il ne trouve à son réveil une alimentation abondante.

Enfin, la vie constante et libre appartient aux animaux les plus élevés en organisation. Chez ces animaux, la vie s’écoule d’un cours constant; elle n’est pas soumise aux alternatives du milieu cosmique et reste la même à travers des conditions extérieures mobiles et souvent opposées. Il en est ainsi, parce que le milieu intérieur qui enveloppe les organes, les tissus, les élémens des tissus, ne change pas. Ce milieu fournit à l’animal supérieur comme une atmosphère propre et à température constante dans le milieu cosmique toujours changeant. C’est un organisme qui s’est mis lui-même en serre chaude, et que dès lors les variations cosmiques n’atteignent pas. Il y a pour l’animal deux milieux, l’un extérieur, l’autre intérieur; c’est dans le milieu intérieur qui entoure et baigne tous les élémens anatomiques que la vie s’accomplit et s’écoule. La fixité du milieu intérieur est la condition de la vie libre, indépendante. « La fixité du milieu, ajoute Claude Bernard, suppose un perfectionnement de l’organisme, tel que les variations externes soient à chaque instant compensées et équilibrées. Bien loin, par conséquent, que l’animal élevé soit indifférent au monde extérieur, il est au contraire dans une étroite et savante relation avec lui, de telle façon que son équilibre résulte d’une continuelle et délicate compensation établie comme par la plus sensible des balances. » Cette fonction qui maintient l’animal à une température fixe s’opère par un ensemble de mécanismes gouvernés par le système nerveux ; et parmi les nerfs qui règlent ce mécanisme apparaît le système des nerfs vaso-moteurs, que Claude Bernard appelle aussi nerfs thermiques. Si l’on porte atteinte aux jeux divers du système nerveux, le mécanisme de la température fixe se disloque. En sectionnant la moelle épinière au-dessous de la septième vertèbre cervicale, on atténue considérablement l’action du système cérébro-spinal, tout en laissant persister pleinement celle du grand sympathique, la température s’abaisse, et l’animal à sang chaud est en quelque sorte transformé en un animal à sang froid. Si, au contraire, on détruit le grand sympathique en laissant intact le système cérébro-spinal,