Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/390

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« On obéissait à des raisons supérieures et qui lui étaient étrangères. » C’est le fils du poète qui nous rapporte ces paroles. Boursault, qui raconte en riant sa disgrâce à la duchesse d’Angoulême, se garde bien de mêler le roi dans cette affaire. Il est trop discret pour se plaindre et trop modeste pour se vanter.

L’auteur de la Muse enjouée ne sera donc pas le journaliste de la cour; n’importe, on ne l’empêchera pas d’écrire. Son journal désormais, ce sera le recueil de ses lettres. Il a des correspondans tout naturels qui lui fournissent l’occasion de disserter avec grâce ; il en a d’autres qu’il va chercher au loin, tantôt en critique, tantôt en client littéraire; enfin il en a qui le sollicitent et le harcellent, impatiens de recevoir ses communications.

En voulez-vous des exemples ? Le premier de ces correspondans c’est son fils, qui vient d’entrer comme novice chez les pères théatins. Quand le jeune religieux se dispose à contracter l’engagement suprême, Boursault lui adresse une lettre du sentiment le plus délicat et le plus élevé, lettre charmante, sensée, paternelle, où il l’invite à se consulter de bonne foi, à prendre garde de se laisser entraîner par une apparence de vocation.


« S’il y a, dit-il, une maison religieuse où je dusse vous souhaiter, c’est sans doute en celle où vous êtes; les vertus y sont moins farouches qu’en beaucoup d’autres, et par conséquent plus faciles à acquérir. Cependant mon fils (et je vous prie de relire plusieurs fois ce que je vous écris) songez que vous n’avez encore fait aucun pacte avec Dieu qu’il vous soit honteux de rompre; et n’attendez pas à vous repentir que vous ne le puissiez plus faire avec honneur ni avec justice. Dieu, qui connaît mon intention, sait bien qu’elle n’est pas de vous arracher à ses autels, S’il est vrai qu’il vous y ait véritablement appelé; mais au moins consultez-vous bien et de bonne foi pendant qu’il en est encore temps, et qu’aucune considération humaine n’entre dans le sacrifice que vous ferez... surtout, mon fils, point de constance étudiée ni de zèle affecté; que la vérité soit inséparable d’une victime que vous voulez offrir à un Dieu qui est la vérité même. »


Tout cela est très juste et fort bien dit; ce qui m’y frappe surtout c’est que l’auteur, tout en parlant à son fils de la façon la plus intime et la plus tendre, s’adresse évidemment à tous ceux qui se trouveraient dans le même cas. La lettre pourrait porter cette suscription : A mon fils et à tous les novices.

Le novice n’avait aucune raison de se dédire, il faisait son sacrifice librement, sans effort laborieux ni affectation de zèle. Le voilà bientôt qui prononce son premier sermon. Aussitôt nouvelle lettre du père de famille, et cette fois Boursault ne cherche plus à dissimuler